Page:Béranger, oeuvres complètes - tome 3.pdf/238

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Iterum assumpsit Jesum diabolus in montem excelsum valde, et ostendit ei omnia regna mundi, et gloriam eorum, et dixit ei : Hæc omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me[1].

« Voilà l’histoire sainte : qu’en a fait la poésie ? Milton, ce génie sombre et sublime, a consacré les chants de son Paradis perdu à décrire la guerre impie de Satan contre la Divinité. Il nous rend présents aux conseils de l’ange des ténèbres ; on entend les harangues des démons ; la lutte se prolonge, il balance longtemps les forces et la résistance !… A-t-on jamais pensé à taxer Milton d’impiété, parce qu’il avait mis l’esprit infernal aux prises avec la Divinité ?

« Le même poëte, dans son Paradis reconquis, nous représente le démon emportant Jésus-Christ tantôt sur le faîte du temple, et tantôt sur une haute montagne, d’où ils découvrent tous les peuples de la terre.

« Satan lui montre les Bretons à demi subjugués, et ne conservant plus qu’une ombre de leur antique liberté ; la Gaule désarmée ; la Germanie dans les ténèbres ; l’Italie encore fumante du sang de ses citoyens, répandu par les empereurs à la faveur des discordes civiles ; la Grèce se débattant avec ses chaînes et souffrant impatiemment le joug de la conquête ; les Parthes faisant effort du côté de l’Asie ; les Scythes, qui déjà rassemblent leurs nombreux bataillons, et menacent d’envahir les rives du Bosphore !… et dans son propre pays, les proconsuls

  1. « Le diable prit Jésus une seconde fois et le transporta sur une montagne très élevée, d’où il lui montra tous les royaumes de la terre, et la gloire qui les environne, et il lui dit : Je vous donnerai tout cela, si, tombant à mes pieds, vous consentez à m’adorer. » (Évangile selon saint Matthieu, chap. iv, v. 8 et 9.)