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au parquet. La saisie des exemplaires est ordonnée ; mais, heureusement pour l’auteur, les dix mille avaient fait retraite ; la police n’en put arrêter que quatre.

« Il n’y avait encore qu’un simple réquisitoire ; mais comme, d’après la jurisprudence introduite sous le ministère actuel, tout homme dénoncé est nécessairement coupable, on débuta par priver M. Béranger de son emploi.

« Je pourrais ici m’élever contre cet injuste système du ministère actuel, d’exiger de tous les fonctionnaires un dévouement absolu à ses volontés, et même à ses caprices ; de ne laisser à personne ce qu’on a toujours appelé la liberté de conscience ; de dire aux électeurs par exemple : Vous nommerez nos candidats, ou vous serez incontinent destitués ; aux députés : Vous voterez pour nous et avec nous, ou bien vous perdrez vos places ; de vouloir ainsi associer à son action ce qu’on appelle aujourd’hui des hommes sûrs, pour tous les emplois, pour toutes les fonctions !… et de pousser la tyrannie jusqu’à dire, même à ceux qui ne font que des chansons : Vous chanterez pour nous, ou vous serez destitués !

« Mais, nous dit-on, était-il possible de tolérer dans l’instruction publique un employé qui professait de pareilles maximes ? — Je réponds d’abord, pour le sieur Béranger, qu’il n’était pas dans le conseil royal d’instruction publique. Il était dans un coin du tableau, placé dans un endroit où il ne pouvait faire de sottises,… il était simple expéditionnaire. Il observait,… et quand il se présentait un sujet de chanson, il chansonnait.

« D’ailleurs on ne l’a pas destitué pour avoir fait des chansons immorales ; celles que l’accusation a qualifiées ainsi appartiennent toutes au volume pu-