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tère national que les historiens l’ont remarquée. — « Les Français, dit Claude de Seyssel, ont toujours eu licence et liberté de parler à leur volonté de toute sorte de gens, et même de leurs princes, non pas après leur mort tant seulement, mais encore de leur vivant et en leur présence[1]. »

« Chaque peuple a sa manière d’exprimer ses vœux, sa pensée, ses mécontentements.

« L’opposition du taureau anglais éclate par des mugissements.

« Le peuple de Constantinople présente ses pétitions la torche à la main.

« Les plaintes du Français s’exhalent en couplets terminés par de joyeux refrains.

« Cet esprit national n’a pas échappé à nos meilleurs ministres : pas même à ceux qui, d’origine étrangère, ne s’étaient pas crus dispensés d’étudier le naturel français.

« Mazarin demandait : Eh bien ! que dit le peuple des nouveaux édits ? — Monseigneur, le peuple chante. — Le peuple cante, reprenait l’Italien, il payera : et, satisfait d’obtenir son budget, le Mazarin laissait chanter.

« Cette habitude de faire des chansons sur tous les sujets, sur tous les événements, même les plus sérieux, était si forte et s’était tellement soutenue, qu’elle a fait passer en proverbe qu’en France tout finit par des chansons.

« La Ligue n’a pas fini autrement : ce que n’eût pu faire la force seule, la satire Ménippée l’exécuta[2].

  1. Claude de Seyssel, archevêque de Turin, auteur d’une bonne Histoire de Louis XII et du livre de la Monarchie française. Il est très remarquable que dans ce livre, imprimé en 1519, l’auteur met le parlement au-dessus du roi.
  2. ..........Ridiculum acri
    Fortius ac melius magnas plerumque secat res.