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entre leurs lauriers, les souiller de son fiel impur, les flétrir d’un souffle de vertige et d’erreur. Écoutez les insinuations et les hypocrites doléances que cet esprit de tentation prête à des guerriers fidèles ; à l’entendre, ces guerriers ne sont que des êtres humiliés et déchus. Parce que les royaumes ne sont plus jetés devant eux comme une proie, il leur fait répandre des larmes imaginaires sur le malheur de la France, qui, au lieu de l’avantage d’être dépeuplée par des triomphes ou ruinée par des revers, subit aujourd’hui une prospérité inespérée sous le joug nouveau de ces Bourbons qui ne nous gouvernent que depuis des siècles. Sensibilité homicide qui gémit de ne plus voir l’Europe dévastée ! Dévouement égoïste qui regrette de ne plus voir les champs de bataille transformés en arènes par l’ambition et l’intérêt personnel !

« Le sieur de Béranger a tenté dans vingt chansons de pervertir ainsi l’esprit militaire, notamment dans celle qui a pour titre le Vieux Drapeau. » (Ici M. l’avocat-général donne lecture de cette chanson, et continue ainsi : )

« Après avoir entendu de pareils vers, on se demande si c’est bien là le genre de la chanson badine et légère pour laquelle on réclamera votre indulgence. L’auteur appelle cette pièce une chanson, il la met sur l’air : Elle aime à rire, elle aime à boire ; mais tout cela ne saurait détruire son caractère hostile et sombre. Qu’on nous dise en quelle circonstance elle pourrait être chantée sans devenir un manifeste et une offense. Serait-ce dans un repas de corps, dans une garnison, dans une marche militaire, dans les villes ou dans les campagnes ? elle ne peut être chantée que dans un attroupement de conjurés, et pour servir de signal à l’insurrection ;