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des esprits contre l’existence d’un Dieu et l’authenticité de son culte ; elle est dans la rupture insensée des anneaux de cette chaîne merveilleuse qui, unissant le ciel à la terre, joignait ensemble toutes les puissances morales, depuis la puissance paternelle jusqu’à la puissance divine. Aussi, messieurs, quelque différentes que puissent être leurs opinions politiques, les membres de l’une et de l’autre Chambre se sont-ils réunis pour punir dans la loi du 17 mai tout outrage à la morale publique et religieuse : ce sont les expressions de l’article 8 de cette loi. Et vous, juges-citoyens, vous chargés de faire respecter les lois qui sont l’expression publique sanctionnée par le monarque, où puiseriez-vous le motif d’une indulgence qui ne serait qu’un déplorable exemple d’impunité ? Car enfin, lorsque la loi du 17 mai sévit contre tout outrage à la morale publique et religieuse commis par des écrits ou des paroles, ne verrez-vous pas un outrage de cette espèce dans les vers où le sieur de Béranger dit que l’église est l’asile des cuistres, et que les rois en sont les piliers ? Et si la morale religieuse n’est autre chose que la morale enseignée par la religion, n’est-ce pas l’outrager, en effet, que de dénaturer, comme le fait le prévenu, l’idée que nous devons avoir de l’Éternel, de qui découle toute morale, puisque sans lui il n’y aurait que des intérêts menaçants et rivaux ? N’est-ce pas l’outrager que de faire tenir à Dieu un discours absurde et où il désavoue le culte qu’on lui rend, où il se dit étranger à ce monde, où il engage à ne pas croire un mot de ce qu’apprennent en son nom les ministres de la religion, et dans lequel enfin il ne donne aux hommes, pour seule régie de conduite, qu’un précepte de libertinage.