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pas que ceux qui ont acheté ses chansons sont tenus de les chanter, que ce soit là une condition inséparable de la vente, et que ses souscripteurs soient tous de fidèles observateurs de l’harmonie. Le sentiment qu’aurait eu le poëte de sa gaîté ne pourrait donc conjurer les mauvais résultats que produiraient ses vers sur des esprits disposés à prendre les choses sérieusement.

« Le sieur de Béranger est précisément dans ce cas ; il a fait imprimer, distribuer et vendre, sous le titre de chansons, deux volumes de ses poésies, tirés par souscription à dix mille exemplaires. Voilà déjà qui devient plus positif, plus fixe, plus durable qu’une chanson isolée et inédite. Comment ce prévenu pourra-t-il, en présence d’une spéculation aussi solidement réfléchie, invoquer l’indulgence due à la facétieuse étourderie d’un chansonnier, à ces impromptus brillants qui lui échappent jusqu’à son insu dans la chaleur de l’inspiration ?

« On peut présumer que le sieur de Béranger ne s’est pas dissimulé tout ce que cette fructueuse entreprise de librairie lui faisait perdre de faveur, puisque dans ses interrogatoires il n’a pas cru inutile de se retrancher derrière un moyen de prescription. Il est vrai que toutes les chansons comprises dans le premier volume ont déjà fait partie d’un recueil publié en 1815, et la loi du 17 mai veut que les délits de la presse puissent être prescrits par six mois, à compter du fait de publication qui donnera lieu à la poursuite ; mais cette disposition n’est point applicable à la cause. Quel est le fait de publication qui donnera lieu à la poursuite ? C’est le recueil de 1821 et non celui de 1815. Toute édition nouvelle est un nouveau fait de publication, et chaque réimpression est assujettie aux formalités de dépôt et de déclaration.