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chansons incriminées. Lorsqu’il en est à la lecture du couplet de L’Enrhumé[1], monsieur l’avocat-général l’interrompt, et lui dit : Vous ne dites pas qu’il y a deux lignes en blanc.

M. Dupin : C’est que le greffier n’est chargé que de lire, et que là où il n’y a rien, il n’y a rien à lire.

Le greffier : Il y a deux lignes en blanc.

Le greffier continue et achève sa lecture.

Monsieur le président répète au prévenu l’énumération des divers chefs d’accusation en vertu desquels il est poursuivi, conformément aux articles 1, 3, 5, 8 et 9 de la loi du 17 mai 1819, et procède en ces termes à son interrogatoire :

Demande. Êtes-vous l’auteur des chansons imprimées chez Firmin Didot avec cet intitulé : Chansons par M. P.-J. de Béranger ?

Réponse. Oui, monsieur le président.

D. Les avez-vous vendues et fait vendre ?

R. Oui, monsieur, ainsi que je l’ai répondu dans le précédent interrogatoire.

D. À combien d’exemplaires ont-elles été tirées ?

R. À dix mille. (Les réponses de l’accusé sont toutes faites avec une grande politesse et en même temps d’un ton ferme.)

M. de Marchangy, avocat-général, se lève et dit :

« Messieurs les jurés, la chanson a une sorte de privilége en France. C’est, de tous les genres de poésie, celui dont on excuse le plus volontiers les licences. L’esprit national le protége et la gaîté l’absout. Compagnes de la joie, fugitives comme elle, il semble que ces rimes légères ne soient point propres à nourrir la sombre humeur du malveillant, et depuis

  1. Tome II, page 53.