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Le lendemain un vieillard docte et grave
Guida mes pas sur d’immenses débris.
« Mon fils, dit-il, ici d’un peuple esclave,
« Le despotisme étouffait tous les cris.
« Mais des captifs pour y loger la foule,
« Il creusa tant au pied de chaque tour,
« Qu’au premier choc le vieux château s’écroule.
« Un beau soleil a fêté ce grand jour,
                « A fêté ce grand jour.

« La Liberté, rebelle antique et sainte,
« Mon fils, s’armant des fers de nos aïeux,
« À son triomphe appelle en cette enceinte
« L’Égalité, qui redescend des cieux.
« De ces deux sœurs la foudre gronde et brille.
« C’est Mirabeau tonnant contre la cour.
« Sa voix nous crie : Encore une Bastille !
« Un beau soleil a fêté ce grand jour,
                « A fêté ce grand jour.

« Où nous semons chaque peuple moissonne.
« Déjà vingt rois, au bruit de nos débats,
« Portent, tremblants, la main à leur couronne,
« Et leurs sujets de nous parlent tout bas.
« Des droits de l’homme, ici, l’ère féconde
« S’ouvre et du globe accomplira le tour.
« Sur ces débris, Dieu crée un nouveau monde.
« Un beau soleil a fêté ce grand jour,
                « A fêté ce grand jour. »

De ces leçons qu’un vieillard m’a données,
Le souvenir dans mon cœur sommeillait.