Pour l’enlever au char qui la transporte.
Pour la rendre à la volupté,
Que de rivaux l’attendent à sa porte !
Ah ! faisons-lui la charité.
Quand tous les arts lui tressaient des couronnes,
Qu’elle avait un pompeux séjour !
Que de cristaux, de bronzes, de colonnes !
Tributs de l’amour à l’amour.
Dans ses banquets, que de muses fidèles
Au vin de sa prospérité !
Tous les palais ont leurs nids d’hirondelles.
Ah ! faisons-lui la charité.
Revers affreux ! un jour la maladie
Éteint ses yeux, brise sa voix ;
Et bientôt seule et pauvre, elle mendie
Où, depuis vingt ans, je la vois.
Aucune main n’eut mieux l’art de répandre
Plus d’or, avec plus de bonté,
Que cette main qu’elle hésite à nous tendre.
Ah ! faisons-lui la charité.
Le froid redouble, ô douleur ! ô misère !
Tous ses membres sont engourdis.
Ses doigts ont peine à tenir le rosaire
Qui l’eût fait sourire jadis.
Sous tant de maux, si son cœur tendre encore
Peut se nourrir de piété ;
Pour qu’il ait foi dans le ciel qu’elle implore,
Ah ! faisons-lui la charité.
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