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Ils répondaient : Ce drapeau qu’on escorte
Au toit du chef, le protège endormi ;
Mais le soldat, teint du sang ennemi,
Veille, et de faim meurt en gardant la porte.
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.

Pauvres enfants ! de fantômes funèbres
Quelque nourrice a peuplé vos esprits.
Mais un Dieu brille à travers nos ténèbres ;
Sa voix de père a dû calmer vos cris.
Ah ! disaient-ils, suivons ce trait de flamme.
N’attendons pas, Dieu, que ton nom puissant,
Qu’on jette en l’air comme un nom de passant,
Soit, lettre à lettre, effacé de notre âme.
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.

Dieu créateur, pardonne à leur démence.
Ils s’étaient faits les échos de leurs sons,
Ne sachant pas qu’en une chaîne immense,
Non pour nous seuls, mais pour tous, nous naissons.
L’humanité manque de saints apôtres
Qui leur aient dit : Enfants, suivez sa loi.
Aimer, aimer, c’est être utile à soi ;
Se faire aimer, c’est être utile aux autres.
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.