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Monte enrichir les champs où nous passons !
Nous n’avons rien : arbres, fleurs, ni moissons.
Est-ce pour nous que le soleil se lève ?
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.

Pauvres enfants ! calomnier la vie !
C’est par dépit que les vieillards le font.
Est-il de coupe où votre âme ravie,
En la vidant, n’ait vu l’amour au fond ?
Ils répondaient : C’est le rêve d’un ange.
L’amour ! en vain notre voix l’a chanté.
De tout son culte un autel est resté ;
Y touchions-nous ? l’idole était de fange.
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.

Pauvres enfants ! mais les plumes venues,
Aigles un jour, vous pouviez, loin du nid,
Bravant la foudre et dépassant les nues,
La gloire en face, atteindre à son zénith.
Ils répondaient : Le laurier devient cendre,
Gendre qu’au vent l’Envie aime à jeter ;
Et notre vol dût-il si haut monter,
Toujours près d’elle il faudra redescendre.
Et vers le ciel se frayant un chemin,
Ils sont partis en se donnant la main.

Pauvres enfants ! quelle douleur amère
N’apaisent pas de saints devoirs remplis ?
Dans la patrie on retrouve une mère,
Et son drapeau nous couvre de ses plis.