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Le vaisseau vogue, et bientôt l’équipage
Sous un beau ciel saluera le printemps.
Moi seul je reste enchaîné sur la plage.
Ô bon Génie, amusez-moi longtemps.

Ici, que vois-je ? est-ce un aigle qui vole
Et du soleil mesure la hauteur ?
C’est un ballon : voici la banderole,
Et la nacelle et le navigateur.
L’audacieux, si la pitié l’inspire,
Doit de ces murs plaindre les habitants.
Libre là-haut, quel air pur il respire !
Ô bon Génie, amusez-moi longtemps.

D’un canton suisse, ah ! voilà bien l’image :
Glaciers, torrents, vallons, lacs et troupeaux.
J’aurais dû fuir quand j’ai prévu l’orage ;
La liberté, là, m’offrait le repos a.
Je franchirais ces monts à crête immense,
Où je crois voir nos vieux drapeaux flottants.
Mon cœur n’a pu s’arracher à la France.
Ô bon Génie, amusez-moi longtemps.

Dans mon désert encor quelque mirage !
Génie, allons sur ces coteaux boisés.
En vain tout bas on me dit : Deviens sage b ;
Plie un genou, tes fers seront brisés.
Vous, qui, bravant le geôlier qui nous guette,
Me rendez jeune à près de cinquante ans,
Sur ce brasier, vite, un coup de baguette.
Ô bon Génie, amusez-moi longtemps.