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LE CENSEUR


1822


Air de la Robe et des Bottes (Air noté )


On me disait : Il est temps d’être sage ;
Au Pinde aussi l’on change de drapeaux.
Tentez la gloire, et, dans un grand ouvrage,
Pour le théâtre abdiquez les pipeaux.
De mes refrains j’ai repoussé le livre ;
Mais, quand j’invoque et Thalie et sa sœur,
Leur voix me crie : Ah ! que Dieu nous délivre,
        Nous délivre au moins du censeur.

La Liberté, nourrice du Génie,
Voit les Beaux-Arts pleurant sur son cercueil :
Qui va d’un joug subir l’ignominie
A de son vers d’avance éteint l’orgueil.
Réponds, Corneille, oserais-tu revivre ?
Et toi, Molière, admirable penseur ?
Non, dites-vous ; ou que Dieu vous délivre,
        Vous délivre au moins du censeur.

Tu veux encor ravir le feu céleste,
Jeune homme épris des lauriers les plus beaux,
Quand la censure, à son rocher funeste,
De ton génie a promis les lambeaux !