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de la Bastille, quarante années plus tard, en 1829, il en célébrait le palpitant souvenir sous les barreaux de la Force. Peu de temps après cette belle journée, il quitta Paris pour Péronne, où il fut confié à une tante paternelle, qui tenait une auberge dans un des faubourgs : cette respectable femme, maintenant octogénaire, est pour quelque chose dans une gloire qu’elle a préparée et dont elle apprécie la grandeur. C’est chez elle et sous ses yeux que l’enfant sortit de son ignorance, en lisant le Télémaque et quelques volumes de Racine et de Voltaire qu’elle avait parmi ses livres. Aux vers du plus religieux de nos poètes et à ceux du plus moqueur de nos philosophes, sa tante, bonne et pieuse, joignait d’excellents avertissements de morale, des conseils d’une fervente dévotion. Néanmoins, déjà à cette époque son génie libre, sceptique et malin, se trahissait par des saillies involontaires. Ainsi, à l’âge de douze ans, ayant été atteint d’un coup de tonnerre au seuil même de sa maison, ses premières paroles à sa tante en sortant de la complète paralysie dont la foudre l’avait frappé, furent celles-ci : « Eh bien ! à quoi sert donc ton eau bénite ? » Malicieux reproche à cette excellente femme, qu’il avait vue, au commencement de l’orage, asperger d’eau bénite toute la maison.

Dans ce même temps, les ardentes strophes de la Marseillaise, le canon des remparts célébrant la délivrance de Toulon, arrachaient des larmes au jeune Béranger. À quatorze ans, il entra en apprentissage dans l’imprimerie de M. Laisné, où il commença à apprendre les premières règles de l’orthographe et de la langue. Mais sa véritable école, celle qui contribua le plus aux dévelop-