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me promettaient, je suis honteux de le dire, plus de bonheur que n’en a eu B. Constant, grand publiciste, grand orateur, grand écrivain. Pauvre Constant !

À ceux qui douteraient de la sincérité de mes paroles, je répondrai : Les rêves poétiques les plus ambitieux ont bercé ma jeunesse ; il n’est presque point de genre élevé que je n’aie tenté en silence. Pour remplir une immense carrière, à vingt ans, dépourvu d’études, même de celle du latin, j’ai cherché à pénétrer le génie de notre langue et les secrets du style. Les plus nobles encouragements m’ont été donnés alors. Je vous le demande : croyez-vous qu’il ne me soit rien resté de tout cela, et qu’aujourd’hui, jetant un regard de profonde tristesse sur le peu que j’ai fait, je sois disposé à m’en exagérer la valeur ? Mais j’ai utilisé ma vie de poète, et c’est là ma consolation. Il fallait un homme qui parlât au peuple le langage qu’il entend et qu’il aime, et qui se créât des imitateurs pour varier et multiplier les versions du même texte. J’ai été cet homme. La Liberté et la Patrie, dira-t-on, se fussent bien passées de vos refrains. La Liberté et la Patrie ne sont pas d’aussi grandes dames qu’on le suppose : elles ne dédaignent le concours de rien de ce qui est populaire. Il y aurait, selon moi, injustice à porter sur mes chansons un jugement où il ne me serait pas tenu compte de l’influence qu’elles