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avec véhémence ce que bientôt elle abandonne ; il lui faut des passions, des ressentimens, des paradoxes ; la raison tente rarement de se faire entendre ; prudente et discrète, elle se tait et attend.

À Genève, pendant l’enfance de J.-J. Rousseau, ce n’était point seulement les mœurs républicaines qui luttaient énergiquement contre les mœurs des monarchies ; c’était encore le christianisme qui s’y retranchait contre les progrès des sciences et de la civilisation. Genève était le centre de la religion réformée ; les chrétiens ardens et austères, qui, de bonne foi, voulaient ramener le christianisme à sa ferveur primitive s’unissaient aux hommes ambitieux qui profitent de tous les mouvemens, et aux hommes inconsidérés qui se précipitent vers toutes les choses nouvelles. À Genève, le catholicisme était encore plus odieux que l’impiété absolue ; la religion nationale était ainsi une source de passions violentes ; elle contribuait fortement à changer la sensibilité de l’homme en véhémence et en exaltation. Comme d’ailleurs cette religion réformée n’était qu’une transition du catholicisme, qui interdit tout raisonnement, à la philosophie qui invite l’homme à raisonner sur tout, les esprits natu-