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à la vie qu’on met dans cet endroit, ſe conſerveront long-temps à cette froide & ſeche expoſition. N’oublions pas d’avertir de placer auſſi au nord la biblioteque, puiſque ce vent froid & ſec détruit les inſectes qui rongent les livres ; & de faire enſorte que les cloaques & chauſſes d’aiſances ſoient encore expoſées à ce vent. Les bleds ſe conſerveront dans les lieux ouverts au nord-eſt. Le ſud-oueſt par ſa température, ni trop froide, ni trop chaude, donnera une chaleur tempérée aux chambres qui y ſeront ſituées. Enfin l’entrée du logis, lorſqu’il n’y aura rien qui la détermine, comme un beau point de vue, la ſituation du jardin, &c. ſera bien expoſée au nord-oueſt. Mais on aura attention ſur tout à n’ouvrir à l’oueſt aucune piéce d’un bâtiment, parce que c’eſt un vent tout à fait mal ſain.

2°. Le ſecond examen que nous devons faire, eſt celui de la beauté d’un édifice. Il s’agit maintenant de ſçavoir en quoi conſiſte cette beauté, quelles ſoit les régles & les principes qu’on doit obſerver pour qu’un bâtiment plaiſe, qu’il ſoit agréable à la vûe, en un mot qu’il ſoit beau. Vitruve, qui nous a tranſmis les travaux des premiers qui ſe ſont mêlés d’Architecture, dit que ces gens-là ne connoiſſoient point de regles ; que les proportions du corps d’un homme leur ſervoient pour des bâtimens auſquels ils vouloient donner un air mâle & ſolide, & que les proportions du corps d’une femme étoient le modele qu’ils pronoient pour donner de la délicateſſe à un édifice. Cela réuſſiſſoit tant bien que mal ; & cette idée générale de proportion étoit entièrement ſubordonnée au goût propre de l’Architecte. Auſſi Vitruve avoue que la beauté dont il s’agit ici, dépend de l’induſtrie de l’Architecte (Architecture de Vitruve, page 230.). Pendant long-temps cette maxime a paſſé pour conſtante ; & quoiqu’on eut établi des proportions, on convenoit que rien n’autoriſoit à les ſuivre. Cela étoit humiliant pour les Architectes. Ainſi le penſa M. Blondel, premier Profeſſeur d’Architecture, & bon Mathématicien. Il crut qu’un ſi bel Art étoit ſoumis à des régles, & qu’il ne s’agiſſoit que de les découvrir. Sur cette idée, il chercha dans les différentes proportions connues, telles que l’Arithmétique, la Géométrique, l’Harmonique, ſi aucune ne convenoit à l’Architecture, & il crut trouver que la proportion harmonique obſervée dans un édifice, pourroit ſeule le rendre beau. Ce n’étoit encore là qu’une conjecture, qui fut contredite dans toutes ſes parties.

M. Perrault, qui a traduit & commenté Vitruve, ne fut point du ſentiment de M. Blondel. Il diſtingua d’abord deux ſortes de proportions, les unes conſtantes, les autres de convention. Un édifice dans lequel la première proportion ne ſeroit point obſervée, bleſſeroit tous les yeux. Cette proportion eſt la ſymmétrie qui conſiſte dans le rapport que les parties ont enſemble, à cauſe de la parité & de l’égalité de leur nombre, de leur grandeur, de leur ſituation & de leur ordre. Comme toutes ces choſes ſont très-apparentes, on ne manque jamais d’en appercevoir les défauts, & de ſouhaiter par conſéquent que cette proportion ſoit obſervée.

M. Perrault appelle proportions de convention ou arbitraires, celles qui dépendent de la volonté qu’on a eue de donner une certaine proportion, une eſpece de figure ou de forme, aux choſes qui pourraient en avoir une autre ſans être difformes, & qui ne ſont point rendues agréables par aucune raiſon, mais ſeulement par l’habitude, & par une liaiſon que l’eſprit fait de deux choſes de différente nature. A ceux qui objecteraient que les proportions doivent être quelque choſe de naturel, puiſque tous les Architectes s’y aſſujettiſſent, M. Perrault répond, que les proportions n’ont été établies que par un conſentement des Architectes, qui ont imité les ouvrages des uns & des autres, & qui ont ſuivi les proportions que les premiers avoient choiſies, non-point comme ayant une beauté réelle, convaincante & néceſſaire, qui ſurpaſſe la beauté des autres proportions, mais ſeulement parce que ces proportions ſe trouvent en des ouvrages qui avoient d’ailleurs d’autres beautés réelles & con-