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sur les bords du Gange, il me faudrait mourir en tenant à la main la queue d’une vache. »

Quelques jours après, du Vernet étant allé le voir, il lui cria : on ne me jettera pas à la voirie, car je me suis confessé à M. l’abbé Gautier[1]. Ce fut le lendemain de cette cérémonie qu’il recommença les répétitions d’Irène, dont il n’avait pas trop bonne opinion. À ce sujet, il disait plaisamment : « Il serait triste pour moi d’être venu à Paris pour être confessé et sifflé. »

On avait déjà représenté plusieurs fois sa tragédie, et sa santé ne lui avait pas encore permis d’y assister. Enfin, ses amis le décidèrent à y venir. À son entrée, les transports du public éclatèrent. Chaque spectateur exprimait à sa manière son admiration. Vive l’auteur de Zaïre ! Vive l’historien de Louis XIV ! Vive le chantre de Henri IV ! Ce triomphe abrégea ses jours : on l’avait étouffé sous les fleurs. Il mourut le 30 mai 1778. Quelque temps avant sa mort, le curé de Saint-Sulpice vint en compagnie de l’abbé Gautier pour « escamoter sa conversion. » Le curé s’approcha du mourant et lui demanda : Monsieur, reconnaissez-vous la divinité de Jésus-Christ ? « alors, dit du Vernet, le philosophe expirant, ayant la main ouverte et le bras

  1. Il est certain que c’est cette crainte qui le détermina à se confesser, car, en 1764, il traçait, dans une lettre à madame du Deffand ces mots qui prouvent qu’alors il n’était pas dans les mêmes dispositions. « On dit quelquefois d’un homme : il est mort comme un chien ; mais vraiment un chien est très-heureux de mourir sans cet attirail dont on persécute le dernier moment de notre vie. »