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impatienté des contre-temps qui en retardaient la représentation, il quitte soudain Ferney, le 9 février 1778, et arrive à Paris après une absence de vingt-sept ans, le lendemain même du jour où le Kain, l’un de ses meilleurs interprètes, venait de mourir.

Jamais l’arrivée d’aucun personnage, prince, roi ou empereur, n’avait produit dans la capitale la sensation que fit la nouvelle de sa présence. Dans les promenades, les cafés, aux théâtres, on ne s’entretenait que de cet événement. En s’abordant chacun disait : il est ici, l’avez-vous vu[1] ? L’accueil qu’il reçut, les hommages qu’on lui rendit, la satisfaction qu’il en éprouva, l’obligation où il était de se montrer à chaque instant à une foule d’admirateurs, lui causèrent un ébranlement funeste, et Tronchin fut obligé d’annoncer dans le journal que ceux qui allaient le voir seraient bientôt les témoins et les complices de sa mort.

Pendant une répétition d’Irène, il se brisa un vaisseau dans la poitrine, et aussitôt le bruit de sa mort prochaine se répandit dans tout Paris. Cette nouvelle mit les dévots en campagne, et l’abbé Gautier, devançant ses compétiteurs, eut le bonheur de le confesser. Voltaire, d’ailleurs, au dire de l’abbé du Vernet, son biographe, n’était pas fâché que, dans le public, on sût qu’il avait rempli cette formalité. Il répondit même à ceux qui l’interrogeaient à cet égard : « Que voulez-vous ? Si j’étais

  1. Voy. la Vie de Voltaire, par l’abbé Vernet.