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augure, on n’aurait jamais présumé qu’il fût si près de mourir. Mais lui ne se faisait pas illusion. « Je deviens, me disait-il, de jour en jour plus faible ; je sens que je suis atteint dans mes organes essentiels, aussi n’en ai-je pas pour longtemps. — Si ce malheur arrivait, lui répondis-je, vous auriez du moins la satisfaction de laisser tous vos amis, la famille de votre frère en particulier, dans une belle position. » À cela il répliqua : « Je suis tellement pénétré de cette pensée, qu’en lisant il y a peu de jours les Dialogues des morts, de Lucien, parmi tous les prétextes qu’on y trouve allégués pour ne pas entrer dans sa fatale barque, je ne pouvais en trouver aucun qui me convînt. Je ne saurais imaginer, continuait-il, quel motif je pourrais bien présenter à Caron pour obtenir un petit sursis : j’ai terminé tout ce que je m’étais proposé, et en aucun temps je ne puis espérer de laisser mes parents dans une meilleure position que celle qu’ils ont actuellement. J’ai donc lieu de mourir content. » Puis il s’amusait à chercher quelle excuse il pourrait invoquer et les réponses que Caron ferait à ses représentations. « Après mûre réflexion, dit-il, je crois que je pourrais m’exprimer ainsi : Mon bon Caron, je suis à même de corriger mes ouvrages, en vue d’en donner une nouvelle édition ; accordez-moi un peu de temps afin que je puisse voir comment le public accueillera mes corrections. » À cela Caron répondrait : « Celles-ci finies vous voudriez en faire