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vraisemblance pour m’ôter la confiance de Votre Majesté. Elle se souviendra que c’est sur la foi de ses promesses que je me charge d’un fardeau peut-être au-dessus de mes forces ; que c’est à elle personnellement, à l’homme honnête, à l’homme juste et bon, plutôt qu’au roi, que je m’abandonne. »

Un des plus tristes de nos rois, Louis XIII, aurait compris ce langage élevé et aurait su résister aux ennemis de son ministre, mais les efforts de Turgot ne pouvaient suffire à maintenir à son niveau le lourd Louis XVI. Après quelques faux-semblants de bon vouloir, le roi devait retomber en pleine cour, enlever le gouvernement à ceux que leurs capacités et leur intégrité en rendaient les plus dignes, et appeler ainsi la Révolution[1].

Le plan de Turgot comportait deux ordres de réformes : l’un économique, l’autre politique. Il remplit la première partie de son programme par la suppression des corvées, la liberté du commerce des grains et la suppression des maîtrises et des

  1. Le roi de Prusse n’avait pas grande confiance dans la réussite des projets de Turgot ; faisant allusion à Louis XVI, il disait à d’Alembert que le nouveau ministre aurait à lutter contre les préjugés de l’éducation : « Vous savez que lorsqu’on est très-chrétien, il est difficile d’être en même temps très-raisonnable. » Lettre du 9 septembre 1775. Dans une autre lettre, en date du 30 octobre de la même année, il complétait sa pensée en ces termes : « Non, tant que les souverains porteront des chaînes théologiques, tant que ceux qui ne sont payés que pour prier pour le peuple lui commanderont, la vérité, opprimée par ces tyrans des esprits, n’éclairera jamais les peuples, les races ne penseront qu’en silence et la plus absurde des superstitions dominera dans l’empire des Welches. »