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le roi avait placé Maupeou. Cette révolution ne paraît avoir été mal vue des philosophes ; Voltaire, en particulier, écrivait à madame du Deffand : « Vous haïssez les philosophes, et moi je hais les tyrans bourgeois. J’ai abhorré, avec l’Europe entière, les assassins du chevalier de la Barre, les assassins de Calas, les assassins de Sirven, les assassins du comte de Lally. Je les trouve, dans la grande affaire dont il s’agit aujourd’hui, tout aussi ridicules que du temps de la Fronde. Ils n’ont fait que du mal, et ils n’ont produit que du mal[1], » et à d’Argental il disait : « Je trouve ces six actes (les six conseils) admirables, surtout si on trouve des acteurs. Il me paraît que la pièce réussit beaucoup auprès de tous les gens désintéressés. Il faut la jouer au plus tôt. Je la regarde comme un chef-d’œuvre qui doit enchanter la nation malgré la cabale[2]. » Cependant, la chute de Choiseul lui causait un vif chagrin. « Je vous conjure, écrivait-il

  1. Lettre du 5 mai 1771.
  2. La révolution de Maupeou, saluée par Voltaire, fut approuvée par Turgot. Elle rendait la justice gratuite, supprimait la vénalité des charges, réduisait le ressort immense du parlement de Paris, dont la juridiction s’étendait à Arras et à Lyon, ce qui imposait des voyages ruineux aux plaideurs.

    Diderot a dit, à l’occasion d’un livre où Voltaire faisait l’éloge de Turgot et qui fut brûlé par la main du bourreau : « Après la Sorbonne, le corps le plus ignorant est le Parlement. » (Voy. la Vie de Voltaire, par l’abbé du Vernet.) Plus tard, il est vrai, dans la réfutation du livre de l’Homme, le Philosophe approuva le rappel des Parlements, mais cette approbation est postérieure au scandale causé par l’affaire Beaumarchais et Goësmon, laquelle dut modifier profondément l’opinion sur les commissions Maupeou.