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Depuis quelque temps, les réunions chez le baron d’Holbach avaient été suspendues par l’absence de celui qui en était l’âme. Au commencement du mois d’août 1765, d’Holbach avait quitté Paris pour se rendre en Angleterre, sans doute dans un but philosophique, soit pour se procurer les derniers ouvrages publiés à Londres, ou bien pour y faire imprimer quelques-unes de ses productions. Quoi qu’il en soit, il revint après une absence de deux mois « mécontent, écrit Diderot à Sophie[1], de la contrée, qu’il ne trouvait ni aussi peuplée, ni aussi bien cultivée qu’on le disait ; mécontent des bâtiments qui sont presque tous bizarres et gothiques ; mécontent des jardins, où l’affectation d’imiter la nature est pire que la monotone symétrie de l’art ; mécontent du goût qui entasse dans les palais l’excellent, le bon, le mauvais, le détestable, pêle-mêle ; mécontent des amusements qui ont l’air de cérémonies religieuses ; mécontent des hommes sur le visage desquels on ne voit jamais la confiance, l’amitié, la gaieté, la sociabilité, mais qui portent tous cette inscription : Qu’est-ce qu’il y a de commun entre vous et moi ? mécontent des grands qui sont tristes, froids, hauts, dédaigneux et vains, et des petits, qui sont durs, insolents et barbares ; mécontent des repas d’amis où chacun se place selon son rang, et où la formalité et la cérémonie s’assoient à côté de chaque convive ; mécontent des repas d’auberge, où l’on est bien et

  1. Le 20 septembre 1765.