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ment de la postérité n’entrait, en réalité, pour rien dans les inspirations de l’artiste.

Le désaccord, sur ce point, entre le philosophe et le sculpteur, a été l’occasion d’une discussion qui a permis à Diderot d’écrire les pages les plus éloquentes qu’on ait vues jusqu’alors en faveur du sentiment de l’immortalité et du respect de la postérité. « Qu’est-ce que la voix du présent ? écrit Diderot : rien. Le présent n’est qu’un point, et la voix que nous entendons est toujours celle de l’avenir et du passé… Ces philosophes, ces ministres et ces hommes véridiques qui ont été victimes des peuples stupides, des prêtres atroces, des tyrans enragés ; quelle consolation leur restait-il en mourant ? C’est que le préjugé passerait et que la postérité reverserait l’ignominie sur leurs ennemis. Ô postérité sainte et sacrée ! soutien du malheureux qu’on opprime, toi qui es juste, toi qu’on ne corrompt point, qui venges l’homme de bien, qui démasques l’hypocrite, qui traînes le tyran ; idée sûre, idée consolante, ne m’abandonne jamais. La postérité pour le philosophe, c’est l’autre monde de l’homme religieux… Après moi le déluge est un proverbe qui n’a été fait que par des âmes petites, mesquines et personnelles. Il ne sera jamais répété par un grand monarque, un digne ministre, un bon père. La nation la plus vile serait celle où chacun le prendrait étroitement pour la règle de sa conduite. »

Dans une autre lettre, Diderot rappelle avec beaucoup d’à-propos, à Falconet, une des plus jolies fables