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eut des insensés qui prétendaient que l’Encyclopédie était la cause des infortunes qu’essuyaient les armées françaises. Il arrive pendant cette effervescence que le ministère de Versailles a besoin d’argent, et il sacrifie au clergé, qui en promet, des philosophes qui n’en ont point et qui n’en peuvent donner. Pour moi, qui ne demande ni argent, ni bénédictions, j’offre des asiles aux philosophes, pourvu qu’il soient sages… »

En lisant ces derniers mots, Voltaire dut bien comprendre à qui ils s’adressaient. L’homme d’État lui donnait à entendre qu’il n’avait pas oublié les tracasseries que Voltaire lui avait suscitées pendant son séjour à Berlin.

Après avoir fondé à grands frais une Académie dans sa capitale, Frédéric ne pouvait pardonner au poète d’en avoir compromis l’existence en ridiculisant Maupertuis, l’éminent géomètre à qui il en avait confié la direction. En un mot, fidèle à son principe de la séparation des pouvoirs, qui lui paraissait nécessaire, bien qu’il ne l’ait jamais nettement formulé, il consentait à accorder aux philosophes la liberté de penser, de parler et d’écrire, pourvu qu’ils lui laissassent celle d’agir, parce qu’il déniait aux théoriciens toute aptitude au gouvernement, et qu’il n’entendait, sous aucun prétexte, être traversé par eux dans ses actes politiques.

Diderot, qui n’avait pas accepté les offres bien plus gracieuses de Catherine, et qui n’avait pas, dans les dispositions de Frédéric, une confiance