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commis pussent causer quelque dérangement à sa bibliothèque ; que, pour cette raison, elle voulait qu’il fût remis à M. Diderot, pour cinquante années d’avance, ce qu’elle destinait à l’entretien et à l’augmentation de ses livres, et qu’après ce terme échu, elle prendrait des mesures ultérieures. À cet effet, je vous envoie une lettre de change de vingt-cinq mille livres, que vous trouverez ci-jointe payable à l’ordre de M. Diderot. »

L’impératrice avait déjà manifesté son bon vouloir et sa sympathie pour le Philosophe plusieurs années avant l’achat de sa bibliothèque. Vers la fin de 4762, l’ambassadeur de la Cour de Russie à Paris, le prince Galitzin, avait invité Diderot, de la part de Catherine, à aller achever à Pétersbourg l’impression de l’Encyclopédie. Elle offrait « liberté entière, protections, honneurs, argent, dignités[1]. »

L’impératrice ignorait que le manuscrit n’appartenait pas à Diderot ; que les libraires en avaient fait la dépense, et que les auteurs ne pouvaient en soustraire une feuille sans infidélité. En racontant à son amie ce trait de générosité d’une Cour étrangère, Diderot ajoute cette réflexion : « C’est en France, dans le pays de la politesse, des sciences, des arts, du bon goût, de la philosophie qu’on nous persécute ; c’est du fond des contrées barbares du Nord qu’on nous tend la main ! Si l’on

  1. Lettre à mademoiselle Voland, du 3 octobre 1762.