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son dialogue, Diderot parle de la réhabilitation de Calas, qui n’a eu lieu que quelques années plus tard. À notre avis, c’est l’année 1762 qu’il faut assigner à cet ouvrage, au moment où l’indignation de Diderot n’était pas encore apaisée et où, dans son enthousiasme pour le défenseur de Calas, il écrivait à Sophie : « Oh ! mon amie, le bel emploi du génie ! Il faut que cet homme ait l’âme de la sensibilité, que l’injustice le révolte, et qu’il sente l’attrait de la vertu. Eh ! que lui sont les Calas ? Qui est-ce qui peut l’intéresser pour eux ? Quelle raison a-t-il de suspendre des travaux qu’il aime, pour s’occuper de leur défense ? Quand il y aurait un Christ, je vous assure que Voltaire serait sauvé. »

Dans le Neveu de Rameau, Diderot n’avait pas seulement en vue de dépeindre l’auteur des Philosophes : son sujet était plus vaste. Il se proposait de dévoiler les turpitudes de toute une classe de gens dépravés jusqu’au cynisme, et qui, à l’exemple du neveu de Rameau, ne reculaient devant aucune bassesse, sans avoir, comme lui, la faim pour excuse, et la franchise pour circonstance atténuante.

« Il y avait en ce que me disait Rameau, remarque Diderot, beaucoup de ces choses qu’on pense, d’après lesquelles on se conduit, mais qu’on ne dit pas. Voilà, en vérité, la différence la plus marquée entre mon homme et la plupart de nos entours. Il avouait les vices qu’il avait, que les autres ont ; mais il n’était pas hypocrite. Il n’était ni plus ni moins abominable qu’eux. Il était seule-