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pénitence le reste de ma vie. Je me suis fixé dans ce bois où je m’occupe à réparer les chemins. Voilà trente ans que j’y suis et que je n’ai pas mangé un morceau de pain. Je vis de racines et de fruits que je trouve dans le bois. J’ai une haire sur ma peau. Si j’ai pu avoir quelques mérites par la vie que j’ai ainsi menée, je veux que vous y ayez part ainsi que l’âme de votre père. Je vous le dis, j’ai grande joie de vous voir ; je n’avais pas vu un chrétien depuis plus de cinquante ans, depuis que j’ai quitté la douce France. Votre père était encore bien jeune alors ; votre grand-père m’avait recueilli et nourri doucement. J’ai vu le temps que votre terre était un royaume ; c’est par bonté d’âme, quand votre père en hérita qu’il en fît un simple duché.

— Seigneur, dit Huon, on me l’a souvent conté ; mais si je puis revenir en France, le duché s’appellera peut-être encore un royaume.