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Je suis si fâchée pour ce pauvre colonel. Il est impossible d’agir avec plus de cœur qu’il ne l’a fait. Il se proposait de venir nous exprimer sa contrariété avant même de savoir qu’ils n’étaient pas partis pour l’Écosse. Dès qu’il a été renseigné, il a hâté son voyage.

— Et Denny, est-il vraiment convaincu que Wickham ne voulait pas épouser Lydia ? Le colonel Forster a-t-il vu Denny lui-même ?

— Oui, mais questionné par lui, Denny a nié avoir eu connaissance des plans de son camarade et n’a pas voulu dire ce qu’il en pensait. Ceci me laisse espérer qu’on a pu mal interpréter ce qu’il m’avait dit en premier lieu.

— Jusqu’à l’arrivée du colonel, personne de vous, naturellement, n’éprouvait le moindre doute sur le but de leur fuite ?

— Comment un tel doute aurait-il pu nous venir à l’esprit ? J’éprouvais bien quelque inquiétude au sujet de l’avenir de Lydia, la conduite de Wickham n’ayant pas toujours été sans reproche ; mais mon père et ma mère ignoraient tout cela et sentaient seulement l’imprudence d’une telle union. C’est alors que Kitty, avec un air de se prévaloir de ce qu’elle en savait plus que nous, nous a avoué que Lydia, dans sa dernière lettre, l’avait préparée à cet événement. Elle savait qu’ils s’aimaient, semble-t-il, depuis plusieurs semaines.

— Mais pas avant le départ pour Brighton ?

— Non, je ne le crois pas.

— Et le colonel Forster, semblait-il juger lui-même Wickham défavorablement ? Le connaît-il sous son vrai jour ?

— Je dois reconnaître qu’il n’en a pas dit autant de bien qu’autrefois. Il le trouve imprudent et dépensier, et, depuis cette triste affaire, on dit dans Meryton qu’il y a laissé beaucoup de dettes ; mais je veux espérer que c’est faux.