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de bonheur domestique s’étaient trouvés détruits.

Mr. Bennet n’était pas homme à chercher un réconfort dans ces plaisirs auxquels tant d’autres ont recours pour se consoler de déceptions causées par leur imprudence. Il aimait la campagne, les livres, et ces goûts furent la source de ses principales jouissances. La seule chose dont il fût redevable à sa femme était l’amusement que lui procuraient son ignorance et sa sottise. Ce n’est évidemment pas le genre de bonheur qu’un homme souhaite devoir à sa femme, mais, à défaut du reste, un philosophe se contente des distractions qui sont à sa portée.

Ce qu’il y avait d’incorrect à cet égard dans les manières de Mr. Bennet n’échappait point à Elizabeth et l’avait toujours peinée. Cependant, appréciant les qualités de son père et touchée de l’affectueuse prédilection qu’il lui témoignait, elle essayait de fermer les yeux sur ce qu’elle ne pouvait approuver et tâchait d’oublier ces atteintes continuelles au respect conjugal qui, en exposant une mère à la critique de ses propres enfants, étaient si profondément regrettables. Mais elle n’avait jamais compris comme elle le faisait maintenant les désavantages réservés aux enfants nés d’une union si mal assortie, ni le bonheur qu’auraient pu ajouter à leur existence les qualités très réelles de leur père, s’il avait seulement pris la peine de les cultiver davantage. Hors la joie qu’elle eut de voir s’éloigner Wickham, Elizabeth n’eut guère à se féliciter du départ du régiment. Les réunions au dehors avaient perdu de leur animation tandis qu’à la maison les gémissements de sa mère et de ses sœurs sur le manque de distractions ôtaient tout agrément au cercle familial. Somme toute, il lui fallait reconnaître — après tant d’autres, — qu’un événement auquel elle avait aspiré avec tant d’ardeur ne lui apportait pas toute la satisfaction qu’elle en attendait.

Lydia en partant avait fait la promesse d’écrire souvent et avec grands détails à sa mère et à Kitty.