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cupent en ce moment, il sera bientôt impossible de la corriger et Lydia se trouvera être à seize ans la plus enragée coquette qui se puisse imaginer ; coquette aussi dans le sens le plus vulgaire du mot, sans autre attrait que sa jeunesse et un physique agréable, et que son ignorance et son manque de jugement rendront incapable de se préserver du ridicule que lui attirera sa fureur à se faire admirer. Kitty court les mêmes dangers, puisqu’elle suit en tout l’exemple de Lydia. Vaniteuses, ignorantes, frivoles, pouvez-vous croire, mon cher père, qu’elles ne seront pas critiquées et méprisées partout où elles iront, et que, souvent, leurs sœurs ne se trouveront pas comprises dans le même jugement ?

Mr. Bennet, voyant la chaleur avec laquelle parlait sa fille lui prit affectueusement la main et répondit :

— Ne vous tourmentez pas, ma chérie, partout où l’on vous verra ainsi que Jane, vous serez appréciées et respectées. Nous n’aurons pas la paix à Longbourn si Lydia ne va pas à Brighton. Laissons-la y aller. Le colonel Forster est un homme sérieux qui ne la laissera courir aucun danger, et le manque de fortune de Lydia l’empêche heureusement d’être un objet de convoitise. À Brighton, d’ailleurs, elle perdra de son importance, même au point de vue du flirt. Les officiers y trouveront des femmes plus dignes de leurs hommages. Espérons plutôt que ce séjour la persuadera de son insignifiance.

Elizabeth dut se contenter de cette réponse et elle quitta son père déçue et peinée. Cependant, il n’était pas dans sa nature de s’appesantir sur les contrariétés. Elle avait fait son devoir ; se mettre en peine maintenant pour des maux qu’elle ne pouvait empêcher, ou les augmenter par son inquiétude, ne servirait à rien.

L’indignation de Lydia et de sa mère eût été sans bornes si elles avaient pu entendre cette conversa-