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lut un récit qui, s’il était vrai, devait ruiner l’opinion qu’avec tant de complaisance elle s’était formée du jeune officier, elle ressentit une impression plus pénible en même temps que plus difficile à définir. La stupéfaction, la crainte, l’horreur même l’oppressèrent. Elle aurait voulu tout nier et ne cessait de s’exclamer en lisant : « C’est faux ! c’est impossible ! Tout cela n’est qu’un tissu de mensonges ! » et lorsqu’elle eut achevé la lettre, elle se hâta de la mettre de côté en protestant qu’elle n’en tiendrait aucun compte et n’y jetterait plus les yeux.

Dans cet état d’extrême agitation, elle poursuivit sa marche quelques minutes sans parvenir à mettre du calme dans ses pensées. Mais bientôt, par l’effet d’une force irrésistible, la lettre se trouva de nouveau dépliée, et elle recommença la lecture mortifiante de tout ce qui avait trait à Wickham, en concentrant son attention sur le sens de chaque phrase.

Ce qui concernait les rapports de Wickham avec la famille de Pemberley et la bienveillance de Mr. Darcy père à son égard correspondait exactement à ce que Wickham en avait dit lui-même. Sur ces points les deux récits se confirmaient l’un l’autre ; mais ils cessaient d’être d’accord sur le chapitre du testament. Elizabeth avait encore présentes à la mémoire les paroles dont Wickham s’était servi en parlant du bénéfice. Il était indéniable que d’un côté ou de l’autre, elle se trouvait en présence d’une grande duplicité. Un instant, elle crut pouvoir se flatter que ses sympathies ne l’abusaient point, mais après avoir lu et relu avec attention les détails qui suivaient sur la renonciation de Wickham au bénéfice moyennant une somme aussi considérable que trois mille livres sterling, elle sentit sa conviction s’ébranler.

Quittant sa lecture, elle se mit à réfléchir sur chaque circonstance et à peser chaque témoignage en s’efforçant d’être impartiale, mais elle ne s’en trouva pas beaucoup plus avancée : d’un côté comme de l’autre,