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prendre de nouveau. C’est hier seulement qu’elle m’a rendu ma visite, et jusque-là elle ne m’avait pas donné le moindre signe de vie. Il était visible qu’elle faisait cette démarche sans plaisir : elle s’est vaguement excusée de n’être pas venue plus tôt, n’a pas dit une parole qui témoignât du désir de me revoir et m’a paru en tout point tellement changée que lorsqu’elle est partie j’étais parfaitement résolue à laisser tomber nos relations. Je ne puis m’empêcher de la blâmer et de la plaindre à la fois. Elle a eu tort de me témoigner tant d’amitié, — car je puis certifier que toutes les avances sont venues d’elle. Mais je la plains, cependant, parce qu’elle doit sentir qu’elle a mal agi et que sa sollicitude pour son frère en est la cause. Je n’ai pas besoin de m’expliquer davantage. Je suis étonnée seulement que ses craintes subsistent encore à l’heure qu’il est ; car si son frère avait pour moi la moindre inclination, il y a longtemps qu’il aurait tâché de me revoir. Il sait certainement que je suis à Londres ; une phrase de Caroline me l’a laissé à entendre.

« Je n’y comprends rien. J’aurais presque envie de dire qu’il y a dans tout cela quelque chose de louche, si je ne craignais de faire un jugement téméraire. Mais je vais essayer de chasser ces pensées pénibles pour me souvenir seulement de ce qui peut me rendre heureuse : votre affection, par exemple, et l’inépuisable bonté de mon oncle et de ma tante. Écrivez-moi bientôt. Miss Bingley m’a fait comprendre que son frère ne retournerait pas à Netherfield et résilierait son bail, mais sans rien dire de précis. N’en parlons pas, cela vaut mieux.

« Je suis très heureuse que vous ayez de bonnes nouvelles de vos amis de Hunsford. Il faut que vous alliez les voir avec sir William et Maria. Vous ferez là-bas, j’en suis sûre, un agréable séjour. À vous affectueusement. »

Cette lettre causa quelque peine à Elizabeth, mais