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pas Mr. Wickham se prendre, — aux douceurs d’une affection que le manque absolu de fortune de part et d’autre rendrait singulièrement imprudente. Je n’ai rien à dire contre lui ; c’est un garçon fort sympathique, et s’il possédait la position qu’il mérite, je crois que vous ne pourriez mieux choisir, mais, la situation étant ce qu’elle est, il vaut mieux ne pas laisser votre imagination s’égarer. Vous avez beaucoup de bon sens et nous comptons que vous saurez en user. Votre père a toute confiance dans votre jugement et votre fermeté de caractère ; n’allez pas lui causer une déception.

— Ma chère tante, voilà des paroles bien sérieuses !

— Oui, et j’espère vous décider à être sérieuse, vous aussi.

— Eh bien ! Rassurez-vous, je vous promets d’être sur mes gardes, et Mr. Wickham ne s’éprendra pas de moi si je puis l’en empêcher.

— Elizabeth, vous n’êtes pas sérieuse en ce moment.

— Je vous demande pardon ; je vais faire tous mes efforts pour le devenir. Pour l’instant je ne suis pas amoureuse de Mr. Wickham. Non, très sincèrement, je ne le suis pas, mais c’est, sans comparaison, l’homme le plus agréable que j’aie jamais rencontré, et, s’il s’attachait à moi… Non, décidément, il vaut mieux que cela n’arrive pas ; je vois quel en serait le danger. — Oh ! cet horrible Mr. Darcy ! — L’estime de mon père me fait grand honneur, et je serais très malheureuse de la perdre. Mon père, cependant, a un faible pour Mr. Wickham. En résumé, ma chère tante, je serais désolée de vous faire de la peine, mais puisque nous voyons tous les jours que les jeunes gens qui s’aiment se laissent rarement arrêter par le manque de fortune, comment pourrais-je m’engager à me montrer plus forte que tant d’autres en cas de tentation ? Comment, même, pourrais-je être sûre qu’il est plus sage de résister ? Aussi, tout ce que je puis vous promettre, c’est de ne rien précipiter, de ne pas me hâter