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fille accomplie et qu’elle a exactement le même âge qu’Emma.

Divers sujets furent abordés et discutés avec calme ; mais la soirée ne devait pas prendre fin sans que l’harmonie fut de nouveau troublée. Quand on apporta la bouillie d’avoine, Isabelle raconta qu’il ne lui avait jamais été possible d’obtenir que la cuisinière, engagée pendant son séjour à South End, lui servît une bouillie convenablement délayée et de la consistance voulue. C’était une ouverture dangereuse.

— Ah ! dit M. Woodhouse en secouant la tête et en regardant sa fille avec une affectueuse sollicitude. Je regretterai toujours que vous ayez été à la mer cet été au lieu de venir ici.

— Mais à quel propos vous tourmentez-vous, Monsieur ? Je vous assure que ce séjour a très bien réussi aux enfants.

— En tous cas, du moment que vous étiez décidée à aller à la mer, j’estime qu’il est fâcheux que vous ayez donné la préférence à South End : c’est un endroit malsain. Perry a été surpris de ce choix.

— Je sais que quelques personnes ont cette idée, mais c’est une erreur ; nous nous y sommes toujours très bien portés et M. Wingfield m’a affirmé que c’était un préjugé sans fondement : il connaît parfaitement les conditions climatiques de ce pays où son frère et sa famille ont été à plusieurs reprises.

— Vous auriez dû aller à Cromer, ma chère. Perry a été une fois à Cromer qu’il considère comme la plage la plus saine de la côte : la mer y est très belle, m’a-t-il dit, l’air excellent. Vous auriez trouvé là un logement confortable et suffisamment éloigné de la plage. Que n’avez-vous consulté Perry ?

— Mais, monsieur, considérez la différence du voyage : cent cinquante kilomètres au moins au lieu de soixante.

— Ah, ma chère ! quand il s’agit de la santé ; comme dit Perry, aucune considération ne doit entrer en ligne de compte, et du moment que l’on voyage, il importe peu de faire cent cinquante kilomètres au lieu de soixante. Il eût été préférable de rester simplement à