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nous ne devons pas conformer notre conduite à l’appréciation des imbéciles ! Si ceux qui s’intéressent à vous sont désireux de vous voir heureuse : voici un homme dont l’aimable caractère est un sûr garant de votre bonheur ; s’ils souhaitent que vous vous fixiez dans le milieu et dans le pays qu’ils avaient choisi pour vous, leur vœu sera réalisé, et si leur but est que vous fassiez, suivant la phrase consacrée, un bon mariage, ils seront satisfaits.

— Tout ce que vous dites est juste ; j’aime à vous entendre parler ! Vous et M. Elton êtes aussi intelligents l’un que l’autre. Quand bien même je m’y serais appliquée pendant un an je n’aurais jamais pu écrire une charade comme celle-ci.

— J’ai tout de suite compris hier, d’après sa manière, qu’il se proposait de vous montrer ce dont il était capable. C’est vraiment une des plus jolies charades que j’ai jamais lue.

— Et comme elle est appropriée ! Elle est plus longue que toutes celles que nous avons recueillies jusqu’ici.

— Ce n’est pas sa principale qualité. Ce genre d’écrit ne saurait être trop court.

Harriet était trop excitée pour prêter attention à cette légère critique et elle reprit, les joues rouges d’émotion :

— Je puis apprécier maintenant la distance qui sépare un homme de bon sens capable à l’occasion d’écrire une lettre convenable, de celui qui sait donner à sa pensée une forme aussi délicate ! Mais, chère Mlle Woodhouse, je n’aurai jamais le courage de rendre le papier et de dire que j’ai deviné.

— Je m’en charge. Il importe que vous puissiez choisir votre moment pour lui sourire ; rapportez-vous-en à moi.

— Quel malheur que je ne puisse pas copier cette ravissante charade dans mon livre !

— Laissez de côté les deux dernières lignes et il n’y a pas de raison pour que vous ne la transcriviez pas.

— Oh ! mais ces deux dernières lignes sont…