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trop loin déjà pour reculer. J’accepte votre offre, Emma ; c’est en ma qualité d’ami que je vous pose cette question : dites-moi la vérité. M’est-il permis d’espérer qu’un jour …?

Il s’arrêta, dans son anxiété de recevoir une réponse, et reprit aussitôt :

— Ma bien chère Emma, quel que soit le résultat de cette conversation, vous resterez toujours mon Emma bien-aimée. Répondez-moi : dites non, si cela doit être non.

La surprise empêchait Emma de parler.

— Vous vous taisez, dit-il avec animation, vous gardez le silence ! Pour le moment, je n’en demande pas davantage.

Emma était sur le point de succomber à l’émotion. La crainte de s’éveiller d’un rêve aussi délicieux dominait encore en elle. Il continua :

— Je ne sais pas faire de discours, Emma, dit-il ; si je vous aimais moins peut-être pourrais-je parler plus. Mais vous me connaissez : vous n’avez jamais entendu de moi que la vérité ; je vous ai souvent fait des reproches et vous m’avez écouté avec patience. Supportez encore une fois, ma chère Emma, l’expression de la vérité. J’ai toujours été un amoureux bien froid, mais vous m’avez compris, j’espère. Je ne demande maintenant qu’à entendre de nouveau votre voix.

Pendant qu’il parlait, Emma eut la révélation de la réalité : les espérances d’Henriette n’avaient aucune base ; Henriette n’était rien et elle-même était tout pour M. Knightley. Bien heureusement le secret d’Henriette ne lui était pas échappé et elle était bien résolue à ce qu’il restât toujours ignoré. C’était le seul service qu’elle pût rendre désormais à sa pauvre amie. Emma avait maintenant retrouvé son sang-froid. Elle leva les yeux vers son compagnon et parla enfin à son tour. Que dit-elle ? Bien entendu, exactement ce qu’il fallait dire. Dans ces circonstances une femme trouve toujours la réponse appropriée ; elle lui laissa entendre qu’il n’y avait aucune raison de désespérer, bien au contraire.

(À suivre.)