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elle montrait un goût, naturel pour la bonne compagnie et la véritable élégance. Emma chercha tout d’abord à découvrir qui étaient les parents d’Harriet, mais celle-ci ne put lui donner aucun éclaircissement à ce sujet et elle en fut réduite aux conjectures ; Harriet s’était contentée d’écouter et de croire ce que Mme Goddard avait bien voulu lui dire. La pension, les maîtresses, les élèves et les petits événements de chaque jour formaient le fond de la conversation d’Harriet ; les Martin d’Abbey Mill occupaient aussi beaucoup sa pensée ; elle venait de passer deux mois très agréables chez eux et aimait à décrire tous les conforts et les merveilles de l’endroit.

Au début Emma écoutait tous ces détails sans arrière-pensée, mais quand elle se fut rendu compte de l’exacte composition de la famille : — le jeune M. Martin n’était pas marié – elle devina un danger et craignit de voir sa jeune amie accepter une alliance au-dessous d’elle. À la suite de cette révélation, ses questions se précisèrent et elle poussa Harriet à lui parler particulièrement de M. Martin ; Harriet du reste s’étendait avec complaisance sur ce sujet : elle disait la part que prenait le jeune homme à leurs promenades au clair de lune et à leurs jeux du soir ; elle insistait sur son caractère obligeant : « Un jour il a fait une lieue pour aller chercher des noix dont j’avais exprimé le désir. Une autre fois j’ai eu la surprise d’entendre le fils de son berger chanter en mon honneur. Il aime beaucoup le chant et lui-même a une jolie voix. Il est intelligent et je crois qu’il comprend tout. Il possède un très-beau troupeau de moutons et pendant mon séjour chez eux il a reçu de nombreuses demandes pour sa laine. Il jouit de l’estime générale ; sa mère et sa sœur l’aiment beaucoup. Mme Martin m’a dit un jour (elle rougissait à ce souvenir) qu’on ne pouvait être meilleur fils ; elle ne doute pas qu’il ne fasse un excellent mari ; « ce n’était pas » avait-elle ajouté « qu’elle désirât le voir se marier du moins pour le moment ». Après son départ, Mme Martin a eu la bonté d’envoyer à Mme Goddard une