Page:Aurel - Le nouvel art d'aimer, 1941.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AMANTS
47

Puisqu’elle le laisse ainsi haut en lui, c’est qu’elle a bien parlé. C’est qu’au poète, à son génie, il fallait ce clair et sec langage d’étoile. Pour avoir osé guider, pour avoir été le contraire d’une femme, elle en devient l’un des plus flamboyants symboles.

Elle est sauvée de la nuit et s’en sauve pour avoir dit en propres termes : « Illustre-moi. Illustre-toi en moi. » Elle savait, la fine mouche, qu’on ne célèbre pas celles qu’on a. On les cache.

Et refusant Pétrarque, le sauvant de la vie, elle fut glorifiée de n’avoir pas aimé.

Avis aux amoureuses qui n’accomplissent pas tout leur devoir d’orgueil.

Avis à celles qui n’orientent pas l’homme quand il en a besoin.

Voilà celles dont l’homme a fait des amantes immortelles.

Si Laure est grande, c’est d’avoir pris le destin de l’homme à son compte et d’avoir osé, pour lui comme pour elle, au nom d’un destin supérieur, le rayer du bonheur, cette veulerie.

Sa force est d’avoir — à blanc — assez ; occupé l’homme pour le forcer à vivre à deux la pureté, ce monstre où est la matière lyrique et de l’avoir lui, sans vivre, labouré jusqu’au génie[1].

Laure, Béatrice ont prouvé qu’on n’aime à jamais au point suprême d’inspiration que les amantes qu’on n’a pas. Il faut savoir si l’on souhaite vivre ou survivre.

  1. Voir Le Drame d’être deux, où la scène est rapportée dans son ampleur.