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AMANTS
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séduction secrète de chacune. Je vois la beauté publique partout. Mais son visage est immobile. Elle rit, mais on ne la voit guère sourire à son amour. Quand j’en demande la raison :

— Les garçons nous veulent brèves et directes comme eux, me disent les filles asservies. « Nous sommes comme ils nous veulent. »

Je réponds : — Dites plutôt comme veulent leurs aises, c’est-à-dire ce à quoi on ne pense pas ; mais non comme le veulent leur passion, ni leur fantaisie. Ne savez-vous plus qu’ils aiment surtout être surpris ? Et comment les surprendrez-vous et les ravirez-vous si vous n’êtes que celle qu’ils ont prévue, voulue ?

Ainsi vous les verrez repus, mais jamais, pauvres filles, ivres de vous comme nous les voyions de nous.

Les filles. — Ils n’aiment plus la douceur, la lenteur. L’allure aimable de nos mères les impatiente, les agace.

Moi. — Jamais vous ne me ferez croire que l’homme peut aimer au suprême degré celle qui lui ressemble.

Les filles obstinées. — Ils n’aiment plus la grâce, les manières.

Ma réponse. — Ah pardon, ne confondez pas. La grâce c’est le naturel qui aime. C’est le cœur ensoleillé qui passe sur les traits. S’il y avait la moindre manière dans un visage, ou dans l’allure, la grâce en mourrait aussitôt…

La grâce est ce que Rodin voit passer sur une face de vierge quand il dit : « Le tranquille beau temps de ses yeux. »

Si vous me dites que le garçon n’endure plus la grâce, c’est que jamais il n’aimera ou qu’il se trompe