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LES NUITS ATTIQUES, LIVRE I

Ainsi Chilon, homme d’une probité irréprochable, n’a pas su jusqu’où il pouvait aller contre la loi, contre la justice, en faveur d’un ami ; cette incertitude trouble la fin de ses jours. Après lui, plusieurs philosophes ont recherché avec soin et avec la plus scrupuleuse attention, comme nous le voyons dans leurs traités, s’il faut, pour me servir de leurs expressions, βοηθεῖν τῷ φίλῳ παρὰ τὸ δίκαιον, καὶ μέχρι πόσου καὶ ποῖα : c’est-à-dire, si l’on peut quelquefois, dans l’intérêt d’un ami, agir contre la loi et contre la morale, et dans quelles circonstances et jusqu’à quel point. Cette question a été traitée par beaucoup de philosophes, comme je viens de le dire, mais surtout par Théophraste, péripatéticien aussi modeste que savant. Sa dissertation se trouve, si j’ai bonne mémoire, dans le livre premier de son traité de l’Amitié. Ce traité me semble avoir été connu de M. Cicéron lorsqu’il écrivait le sien sur le même sujet. Il embellit ce qu’il crut devoir prendre à Théophraste des charmes de son génie et de son éloquence, et le fit passer dans sa langue avec autant d’habileté que de bonheur. Quant à cette question agitée tant de fois, comme je viens de le dire, et si difficile à résoudre, Cicéron n’a fait que l’effleurer, sans l’approfondir ; il n’a pas même poursuivi l’examen de ce