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payer ce que je te réclame, condamné ou non : en eÉfel, si le tri- bunal prononce contre toi, ce jugement me constituera ton créan- cier, puisque j'aurai gagné mon procès; si le tribunal te donne droit, tu me devras encore la somme dont nous sommes conve- nus, puisque tu auras gagné une cause devant les tribunaux. » A cet argument Évathle répond : « J'aurais pu aller au-devant de ce sophisme, en laissant à un avocat le soin de plaider mon affaire; mais je veux augmenter le plaisir de mon triomphe sur toi, en gagnant ma cause, et en prouvant le vice de ton raison- nement. Apprends donc, à ton tour, illustre maître, que dans l'une et Vautre hypothèse, que je gagne ou que je perde mon procès, je ne te donnerai pas ce que tu me réclames : car si les juges me donnent droit, je ne te dois rien, puisque j'aurai gagné ma causé; s'ils me condamnent, d'après notre convention, je ne te dois rien, puisque je n'aurai pas gagné ma première cause. » Alors les juges, fort embarrassés, ne sachant comment se décider entre deux raisonnements qui se détruisaient l'un l'autre, et craignant que leur jugement, quel qu'il fût, ne se trouvât con- tradictoire, s'abstiennent de se prononcer, et renvoient l'affaire à îme époque fort éloignée. C'est ainsi qu'un illustre professeur d'éloquence vit son propre raisonnement tourné contre lui-même