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LA CITÉ DE DIEU.


la famille d’Aaron, dont la postérité était désignée pour perpétuer le sacerdoce[1]; et par conséquent tout ceci était la figure du changement qui devait se faire par Jésus-Christ, et appartenait proprement à l’Ancien Testament, et figurativement au Nouveau ; je dis quant à l’événement de la chose, et non quant aux paroles. Il y eut encore depuis des prêtres de la famille d’Aaron, comme Sadoch et Abiathar, sous le règne de David, et plusieurs autres, longtemps avant l’époque où ce changement devait s’accomplir en la personne de Jésus-Christ. Mais à présent quel est celui qui contemple ces choses des yeux de la foi et qui n’avoue qu’elles sont accomplies ? Il ne reste en effet aux Juifs ni tabernacle, ni temple, ni autel, ni sacrifice, ni par conséquent aucun de ces prêtres qui, selon la loi de Dieu, devraient être de la famille d’Aaron, comme le rappelle ici le Prophète : « Voici ce que dit le Seigneur et le Dieu d’Israël : J’avais résolu que votre maison et la maison de votre père passeraient éternellement en ma présence ; mais je n’ai garde maintenant d’en user de la sorte. Car je glorifierai ceux qui me glorifient ; et ceux qui me méprisent deviendront méprisables ». Par la maison de votre père, il n’entend pas parler de celui dont Héli avait pris immédiatement naissance, mais d’Aaron, le premier grand prêtre dont tous les autres sont descendus. Ce qui précède le montre clairement : « Je me suis fait connaître, dit-il, à la maison de votre père, lorsqu’elle était captive de Pharaon en Egypte, et je l’ai choisie entre toutes les tribus d’Israël pour les fonctions du sacerdoce ». Qui était ce père d’Héli dont la famille, après la captivité d’Egypte, fut choisie pour le sacerdoce, sinon Aaron ? C’est donc de cette race que Dieu dit ici qu’il n’y aura plus de prêtre à l’avenir : et c’est ce que nous voyons maintenant accompli. Que notre foi y fasse attention, les choses sont présentes ; on les voit, on les touche, et elles sautent aux yeux, malgré qu’on en ait. « Voici, dit le Seigneur, venir le temps que j’exterminerai votre race et celle de votre père, en sorte qu’il n’en demeurera pas un seul qui exerce les fonctions de la prêtrise dans ma maison. Je les bannirai tous de mon autel, afin que ceux qui resteront de votre maison sèchent en voyant ce changement ». Ce temps prédit est venu. Il n’y a plus de prêtre selon l’ordre d’Aaron ; et quiconque reste de cette famille, lorsqu’il considère le sacrifice des chrétiens établis par toute la terre et qu’il se voit dépouillé d’un si grand honneur, sèche de regret et d’envie.

Ce qui suit appartient proprement à la maison d’Héli : « Tous ceux qui resteront de votre maison périront par l’épée ; et la marque de cela, c’est que vos enfants Ophni et Phinées mourront tous deux en un seul jour ». Le même signe donc qui marquait le sacerdoce enlevé à sa maison marquait aussi qu’il devait être aboli dans la maison d’Aaron. La mort des enfants d’Héli ne figurait la mort d’aucun homme, mais celle du sacerdoce même dans la famille d’Aaron. Ce qui suit se rapporte au grand prêtre, dont Samuel devint la figure en succédant à Héli, et par conséquent on doit l’entendre de Jésus-Christ, le véritable grand prêtre du Nouveau Testament : « Et je me choisirai un prêtre fidèle, qui fera tout ce que mon cœur et mon âme désirent, et je lui construirai une maison durable ». Cette maison est la céleste et éternelle Jérusalem. « Et elle passera, dit-il, éternellement en la présence de mon Christ », c’est-à-dire elle paraîtra devant lui, comme il a dit auparavant de la maison d’Aaron : « J’avais résolu que votre maison et la maison de votre père passeraient éternellement en ma présence ». On peut encore entendre qu’elle passera de la mort à la vie pendant tout le temps de notre mortalité, jusqu’à la fin des siècles. Quand Dieu dit : « Qui fera tout ce que mon cœur et mon âme désirent », ne pensons pas que Dieu ait une âme, lui qui est le créateur de l’âme ; c’est ici une de ces expressions figurées de l’Ecriture, comme quand elle donne à Dieu des mains, des pieds, et les autres membres du corps. Au surplus, de peur qu’on ne s’imagine que c’est selon le corps qu’elle dit que l’homme a été fait à l’image de Dieu, elle donne aussi à Dieu des ailes, organe dont l’homme est privé, et elle dit : « Seigneur, mettez-moi à l’ombre de vos ailes[2]», afin que les hommes reconnaissent que tout cela n’est dit que par métaphore de cette nature ineffable.

« Et quiconque restera de votre maison viendra l’adorer » . Ceci ne doit pas s’entendre proprement de la maison d’Héli, mais

  1. Voyez sur ce point les Rétractations, livre ii, ch. 43, n. 2.
  2. Ps. xvi, 10.