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m’a envoyé (Jean, VII, 16 ). Si donc on entend ici qu’il s’agit de sa doctrine, bien qu’il dise qu’elle n’est pas de lui, mais de son Père ; à combien plus forte raison doit-on comprendre que le Saint-Esprit procède aussi de lui, alors qu’il dit : Il procède du Père, sans dire : Il ne procède pas de moi ? Or, celui de qui il tient d’être Dieu — car il est Dieu de Dieu — c’est aussi celui de qui il tient que le Saint-Esprit procède de lui : par conséquent le Saint-Esprit tient du Père lui-même de procéder du Fils comme il procède du Père. C’est ainsi qu’on peut comprendre d’une manière quelconque — autant que peuvent comprendre des êtres tels que nous — pourquoi on ne dit pas que le Saint-Esprit est engendré, mais bien qu’il procède ; parce que si on l’appelait Fils, il serait Fils des deux, ce qui serait une énorme absurdité. Car pour être fils des deux, il faut avoir un père et une mère, et loin de nous la pensée de supposer rien de ce genre entre Dieu le Père et Dieu le Fils. Bien plus, un fils des hommes ne procède pas même de son père et de sa mère en même temps : car quand il procède du père dans la mère, il ne procède pas de la mère, et quand il procède de la mère pour paraître au jour, il ne procède pas du père. Or, le Saint-Esprit ne procède pas du Père dans le Fils, puis du Fils pour sanctifier la créature ; tuais il procède à la fois de l’un et de l’autre, quoique le Père ait donné au Fils que le Saint-Esprit procède de lui comme du Père. En effet, nous ne pouvons pas dire que le Saint-Esprit ne soit pas vie, quand le Père est vie et le Fils aussi ; par conséquent, comme le Père a la vie en lui-même, et a donné au Fils d’avoir aussi la vie en lui-même, ainsi il lui adonné que la vie procède de lui, comme elle procède du Père ( Sur l’Evang. Selon S. Jean, traité 99e, n. 8, 9. ) ». J’ai transcrit ici ce passage de mon sermon ; mais c’est à des fidèles, et non à des infidèles, que je m’adresse. 49. Mais s’ils ne sont pas capables de voir l’image créée, de constater combien sont vraies ces trois facultés qui sont dans leur âme, qui sont trois sans être trois personnes, qui appartiennent toutes les trois à un homme qui n’est qu’une personne : pourquoi ne croient-ils pas ce que les saintes lettres nous disent de la souveraine Trinité, plutôt que de demander une explication parfaitement claire d’un mystère qui dépasse notre faible et impuissante raison humaine ? Appuyés sur une foi inébranlable aux saintes Ecritures, ces témoins infaillibles, qu’ils cherchent par la prière, par l’étude et une vie vertueuse à éclairer leur intelligence, c’est-à-dire à voir, autant que possible, des yeux de l’esprit ce qu’ils admettent avec la certitude de la foi. Qui les empêche de faire cela ? ou plutôt qui ne les y exhorte pas ? Mais s’ils pensent qu’il faut nier ces mystères, parce que leur aveugle intelligence ne peut les pénétrer, faudra-t-il que les aveugles de naissance nient aussi l’existence du soleil ? La lumière luit donc dans les ténèbres, et si leurs ténèbres ne la comprennent pas (Jean, I, 5 ), qu’ils soient d’abord éclairés par le don de Dieu pour devenir fidèles et qu’ils commencent à être lumière en comparaison des infidèles ; puis, ce fondement établi, qu’ils soient édifiés vers ce qu’ils croient, afin de mériter de voir un jour. Car il est des choses que l’on croit avec la certitude de ne jamais les voir. Par exemple, on ne reverra plus le Christ sur la croix ; et cependant si on ne croit pas cet événement, qui s’est passé, qui s’est vu, mais qu’on doit désespérer de voir se reproduire, on ne saurait parvenir au Christ tel qu’il doit être vu pendant l’éternité. Pour ce qui concerne cette souveraine, ineffable, immatérielle et immuable nature qu’il faut voir d’une manière quelconque par les yeux de l’intelligence, nulle part le regard de l’âme humaine ne s’y exerce mieux, sous la simple direction de la règle de foi, que dans ce que l’homme lui-même a dans sa nature qui l’élève au-dessus des autres animaux et qui est supérieur aux autres parties de son âme, c’est-à-dire dans son intelligence car à l’intelligence il est accordé de voir jusqu’à un certain point dans les choses invisibles ; c’est à elle, faculté intérieure et juge assise sur un siége élevé et honorable, que les sens apportent toutes les questions à décider, et elle n’a pas de supérieur à qui elle doive soumission et obéissance, si ce n’est Dieu. 50. Mais au milieu des longues discussions auxquelles je me suis livré et où j’ose confesser que je n’ai rien dit qui soit digne de cette souveraine et ineffable Trinité, mais que la science divine est merveilleusement élevée au-dessus de moi et que je n’y puis atteindre (Ps., CXXXVIII, 6 ) : au milieu de tout cela, dis-je, où donc, ô mon âme, où donc crois-tu être, où es-tu