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miroir Celui qu’il faut y voir pendant cette vie, qu’ils ne savent pas même que le miroir qu’ils voient est un miroir, c’est-à-dire une image. S’ils le savaient, peut-être comprendraient-ils qu’il faut chercher et voir, provisoirement et d’une manière quelconque, à travers ce miroir Celui même dont il est le miroir, une foi non feinte purifiant les cœurs (I Tim., I, 5 ), pour qu’on puisse un jour voir face à face Celui qu’on voit maintenant à travers un miroir. Or, en dédaignant cette foi qui purifie les cœurs, que gagnent-ils à comprendre de subtiles discussions sur la nature de l’âme humaine, sinon de se faire condamner par le témoignage même de leur intelligence ? Ils n’auraient pas ces peines ni tant de difficultés d’arriver à quelque chose de certain, s’ils n’étaient enveloppés de ténèbres justement méritées, et chargés de ce corps de corruption qui appesantit l’âme (Sag., IX, 15 ). Or, qui nous a attiré ce malheur, sinon le péché ? Eclairés par une si cruelle expérience, ils devraient donc bien suivre l’Agneau qui ôte les péchés du monde (Jean, I, 29 ).


CHAPITRE XXV.

C’EST SEULEMENT AU SEIN DE LA BÉATITUDE QU’ON COMPREND POURQUOI LE SAINT-ESPRIT N’EST PAS ENGENDRÉ, ET COMMENT IL PROCÈDE DU PÈRE ET DU FILS.


Une fois dégagés des liens du corps à la fin de cette vie, les fidèles appartiennent à Dieu, eussent-ils été d’ailleurs bien moins intelligents que ces philosophes — et les puissances jalouses n’ont plus le droit de les retenir. Ces puissances, l’Agneau innocent immolé par elles, les a vaincues par la justice du sang avant de les vaincre par la vertu de la puissance. Dès lors, délivrés du pouvoir du démon, ces justes sont reçus par les saints anges, affranchis enfin de tous les maux par le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus homme (I Tim., II 5 ) puisque, d’après le témoignage unanime des divines Ecritures, anciennes et nouvelles, qui ont prédit et annoncé le Christ, « nul autre nom n’a été donné dans le ciel, par lequel les hommes doivent être sauvés (Act., IV, 12 ) ». Purifiés donc de toute tache de corruption, ils sont établis dans de paisibles demeures, jusqu’à ce qu’ils reprennent leurs corps, mais cette fois incorruptibles et devenus leur ornement et non plus leur fardeau. Car ç’a été le bon plaisir du très-bon et très-sage Créateur, que l’esprit de l’homme humblement soumis à Dieu domine heureusement son corps, et que ce bonheur n’ait pas de fin. 45. Là nous verrons la vérité sans aucune difficulté et nous jouirons de sa contemplation, parfaitement éclairés et dégagés de toute incertitude. Nous n’aurons plus besoin de raisonnements, mais nous verrons intuitivement pourquoi le Saint-Esprit n’est pas Fils du Père, bien qu’il en procède. Au sein de cette lumière, il n’y n plus de question à résoudre. Mais ici j’ai si bien vu par expérience la difficulté du sujet — et sans aucun doute mes lecteurs studieux et intelligents la verront comme moi — que m’étant engagé dans le second livre de cet ouvrage (Ch. III ) à m’expliquer ailleurs, toutes les fois que j’ai voulu montrer quelque trait de ressemblance entre la créature humaine et cette souveraine Trinité, ma parole n’a pu exprimer les idées quelconques que j’avais conçues. J’ai même senti qu’il y avait dans mon intelligence plus d’efforts que de succès. J’ai trouvé dans l’homme, qui n’est qu’une personne, une image de cette souveraine Trinité ; et pour mieux faire comprendre les trois divines personnes dans l’être sujet à changement, j’ai essayé, surtout dans le neuvième livre, de procéder par degrés successifs. Mais trois choses appartenant à une seule personne ne sauraient répondre au désir de l’homme, et donner une idée juste des trois personnes divines, ainsi que nous l’avons démontré dans ce quinzième livre.


CHAPITRE XXVI.

LE SAINT-ESPRIT PROCÈDE DU PÈRE ET DU FILS, ET NE PEUT ÊTRE APPELÉ LEUR FILS.

Au surplus, dans cette souveraine Trinité qui est Dieu, il n’y a aucun intervalle de temps, qui permette de croire ou au moins de demander, si le Fils est d’abord né du Père, et si c’est postérieurement que le Saint-Esprit a procédé des deux. Car celui dont l’Apôtre a dit : « Parce que vous êtes enfants, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils (Gal., IV, 6 ). » est le même que celui dont le Fils a dit : « Car ce n’est pas vous qui parlez, mais l’Esprit de votre Père qui parle en vous (Matt., 20 ) ». Beaucoup d’autres témoignages des divines