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LIVRE ONZIÈME : LA TRINITÉ DANS L’HOMME.

Argument : On retrouve une image de la Trinité même dans l’homme extérieur ; d’abord dans ce qui se voit au dehors, à savoir : dans le corps qui est vu, dans l’image qu’il imprime dans l’œil, et dans la volonté qui les relie l’un à l’autre. Toutefois ces trois choses ne sont point égales entre elles, ni d’une même substance. De plus dans l’âme elle-même, d’après les sensations qui lui viennent du dehors, on trouve une autre trinité qui s’est comme introduite chez elle, pu, si l’on veut, trois choses d’une même substance : l’imagination du corps qui est dans la mémoire, puis l’information quand la pensée tourne là son attention, et enfin la volonté qui les unit : trinité que nous rattachons à l’homme extérieur, parce qu’elle provient des corps extérieurs et sensibles.


CHAPITRE PREMIER. IL Y A MÊME DANS L’HOMME EXTÉRIEUR UN VESTIGE DE LA TRINITÉ.


1. Personne ne doute que l’homme extérieur soit doué de la sensibilité du corps, comme l’homme intérieur l’est de l’intelligence. Cherchons donc, autant que nous le pouvons, à trouver un vestige quelconque de la Trinité dans l’homme extérieur, bien que ce ne soit pas en cela qu’il est l’image de la Trinité. L’Apôtre s’est clairement exprimé là-dessus, quand il déclare que l’homme intérieur doit se renouveler dans la connaissance de Dieu (Col., III, 10 ), selon l’image de Celui qui l’a créé et quand il dit ailleurs : « Bien qu’en nous l’homme extérieur se détruise, cependant l’homme intérieur se renouvelle de jour en jour (II Cor., IV, 16 ) ». Cherchons donc dans cet homme qui se détruit quelque image de la Trinité, sinon plus exacte, du moins plus aisée à distinguer. Car ce n’est pas sans raison qu’on lui donne le nom d’homme, puisqu’il a quelque ressemblance avec l’homme intérieur. Et à raison même de notre condition d’hommes mortels et charnels, il nous est plus facile de traiter des choses visibles que des choses invisibles, puisqu’elles nous sont plus familières, les unes étant extérieures, les autres intérieures, les unes étant sensibles pour le corps, les autres accessibles seulement à l’intelligence. Or, nous ne sommes pas des âmes sensibles, c’est-à-dire matérielles, mais douées d’intelligence parce que nous sommes vie. Néanmoins, comme je l’ai dit, nous contractons une telle familiarité avec les corps, que notre attention se reporte vers eux en dehors avec une étonnante facilité ; et que, quand elle s’est arrachée aux incertitudes du monde matériel, pour retrouver dans l’esprit des notions plus certaines et plus fermes, elle se rejette vers les objets sensibles et cherche son repos là même où elle a puisé sa faiblesse, Il faut avoir égard à cette infirmité ; par conséquent, si nous voulons discerner plus exactement et faire mieux ressortir les choses Intérieures et spirituelles, empruntons nos exemples et nos comparaisons aux choses extérieures et matérielles.

L’homme extérieur et doué du sens corporel sent donc les corps. Or ce sens se subdivise, comme chacun le sait, en cinq parties la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Il serait long d’interroger ces cinq sens sur la question qui nous occupe ; mais cela n’est pas nécessaire, car l’un parlera pour tous. Invoquons donc de préférence le témoignage de nos yeux. C’est en effet le sens corporel le plus parfait et le plus rapproché, sauf la différence du genre, de la vue intellectuelle.


CHANTRE II. IL Y A DANS LA VISION UNE SORTE DE TRINITÉ. ÉCLAIRCISSEMENT PAR UN EXEMPLE.


1. Quand nous voyons un corps, il y a trois choses très-faciles à reconnaître et à distinguer. La première, c’est l’objet même que nous voyons, soit pierre, ou flamme, ou toute autre chose visible aux yeux : objet qui pouvait exister avant même d’être vu. La seconde, c’est la vision,qui n’existait pas avant que l’objet frappât notre sens. En troisième lieu, ce qui arrête le sens des yeux sur l’objet en vue tant qu’il est en vue, c’est-à-dire l’attention de l’âme. Et non - seulement ces trois choses sont distinctes, mais elles sont de nature différente. D’abord la nature de ce corps visible est très-différente de celle du sens de l’œil, par lequel la vision a lieu par rencontre. Et la vision elle-même, qu’est-ce autre chose