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l’âme même, puisque par elle l’âme connaît et est connue, Elle est donc image et parole de l’âme, puisqu’elle en est l’expression, qu’en connaissant elle lui est coégale, et que ce qui est engendré est égal au principe qui engendre.


CHAPITRE XII. LA CONNAISSANCE EST ENGENDRÉE PAR L’ÂME, L’AMOUR NE L’EST PAS. L’ÂME QUI SE CONNAÎT ET S’AIME EST L’IMAGE DE LA TRINITÉ.


17. Qu’est-ce donc que l’amour ? N’est-il-point image ? ni parole ? ni engendré ? Pourquoi, quand l’âme se connaît, engendre-t-elle sa connaissance, et quand elle s’aime, n’engendre-t-elle pas son amour ? Si elle est le principe de sa connaissance, parce qu’elle est susceptible d’être connue, elle doit aussi être le principe de son amour, puisqu’elle est susceptible d’être aimée. Pourquoi donc n’engendre-t-elle pas l’un et l’autre ? Question difficile. Car on la soulève aussi à propos de la très-sainte Trinité, du Dieu tout puissant et créateur à l’image duquel l’homme a été fait. Des hommes, que la vérité divine appelle à la foi par le langage humain, demandent pourquoi le Saint-Esprit n’est pas cru, n’est pas dit engendré par Dieu le Père et nommé aussi son Fils ? Ce problème, nous cherchons à le résoudre autant que possible, dans l’âme humaine ; nous interrogeons en quelque sorte une image inférieure, où notre propre nature, plus familière pour nous, répond à notre question, afin d’exercer notre intelligence et de remonter d’une créature éclairée par emprunt, à la lumière qui ne change jamais. Et peut.être la vérité elle-même nous convaincra-t-elle que l’Esprit-Saint est charité, comme le Verbe de Dieu est Fils, selon la ferme croyance de tout chrétien. Revenons donc à l’image, qui est créature, c’est-à-dire à l’âme raisonnable, pour mieux l’interroger là-dessus et l’étudier avec plus d’attention. Là, certaine connaissance de choses temporelles qui n’existaient pas d’abord, certain amour de choses qui jusque-là n’étaient point aimées, nous éclaireront et nous dicteront une réponse ; car le langage nous étant donné pour le cours du temps, une chose renfermée dans l’ordre du temps est plus facile à expliquer.

18. Tout d’abord il est clair qu’une chose peut être susceptible d’être connue et cependant n’être pas connue, mais qu’il est impossible de connaître ce qui n’est pas susceptible d’être connu. Il faut donc tirer cette conclusion évidente : que tout ce que nous connaissons engendre en nous et avec nous sa connaissance. En effet, la connaissance est engendrée tout à la fois par ce qui connaît et par ce qui est connu. Donc, quand l’âme se connaît elle-même, elle seule est le principe de sa connaissance : et elle en est tout à la fois objet et sujet. Or, même avant de se connaître, elle était susceptible d’être connue d’elle-même ; mais, quand elle ne se connaissait pas, cette connaissance de soi-même n’existait pas. Donc, en se connaissant, elle engendre une connaissance d’elle-même égale à elle-même, car elle ne se connaît pas moindre qu’elle n’est, et sa connaissance n’est pas d’une autre essence qu’elle, non-seulement parce que c’est elle-même qui connaît, mais parce qu’elle se connaît elle-même, comme nous l’avons dit plus haut.

Alors, que dirons-nous de l’amour ? Pourquoi l’âme en s’aimant elle-même n’engendrera-t-elle pas aussi son amour ? Car elle était susceptible d’être aimée par elle-même et avant de R’aimer, elle pouvait s’aimer ; tout comme elle était susceptible d’être connue d’elle-même, et pouvait se connaître, avant qu’elle ne se connaisse. En effet, si elle n’eût pas été susceptible d’être connue par elle-même, jamais elle n’eût pu se connaître ; par conséquent, si elle n’eût pas été susceptible d’être aimée d’elle-même, jamais elle n’eût pu s’aimer. Pourquoi donc ne dit-on pas qu’elle a engendré son amour en s’aimant, comme elle a engendré sa connaissance en se connaissant ? Serait-ce que par là le principe même de l’amour est indiqué, la source d’où il procède ; — car il procède de l’âme même, qui est susceptible d’être aimée par elle-même, avant de s’aimer, et devient par conséquent le principe de l’amour dont elle s’aime ; —mais qu’on aurait tort de dire cet amour engendré par elle, comme on le dit de la connaissance par laquelle elle se connaît, précisément parce que la connaissance a déjà trouvé l’objet qu’on appelle enfanté ou mis au jour, parsum, vel repertum (Voir ci-dessus, ch. IX, 470), et qui est souvent précédé de l’enquête qui doit aboutir à ce terme ? En effet, une enquête est le désir de trouver, ou, si tu l’aimes mieux, de mettre au jour. Or, ce que l’on découvre est comme enfanté, il y