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l’Esprit de Dieu habite en vous ( I Cor., III, 16 ) ? » En effet, Dieu habite dans son temple. Et ce n’est pas comme ministre que l’Esprit de Dieu habite dans le temple de Dieu : car ailleurs l’Apôtre nous dit en termes plus clairs : « Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple de l’Esprit-Saint qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et qu’ainsi vous n’êtes plus à vous-mêmes ? car vous avez été achetés à haut prix : glorifiez donc Dieu dans votre corps ( Id., VI, 19, 20 ) ». Or, qu’est-ce que la sagesse, sinon une lumière spirituelle et immuable ? Sans doute le soleil aussi est une lumière, mais une lumière matérielle ; la créature spirituelle est aussi une lumière, mais qui n’est point immuable. Donc le Père est lumière, le Fils est lumière, le Saint-Esprit est lumière ; et cependant tous ensemble ne sont point trois lumières, mais une seule lumière. Voilà pourquoi le Père est sagesse, le Fils est sagesse, le Saint-Esprit est sagesse ; et tous ensemble ne sont point trois sagesses, mais une seule sagesse. Et comme là, être et être sage sont une même chose, le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’une seule essence. Là encore, être et être Dieu sont une même chose ; donc le Père, le Fils et le Saint-Esprit ne sont qu’un seul Dieu.


CHAPITRE IV. POURQUOI LES GRECS ONT ÉTÉ OBLIGÉS DE DIRE TROIS HYPOSTASES ET LES LATINS TROIS PERSONNES.


7. En traitant de ces ineffables mystères, et pour exprimer en quelque façon des choses qu’il n’est pas possible d’exprimer, les Grecs ont dit une essence et trois substances ; les Latins une essence ou substance et trois personnes ; vu que, dans notre langue latine, comme nous l’avons déjà dit, essence signifie substance ( Liv., V, ch. II, 8 ). On a adopté ce langage afin de se faire comprendre au moins en énigme, et pour répondre à ceux qui demandent ce que c’est que ces trois, que la vraie foi distingue au nombre de trois, puisqu’elle ne dit point que le Père soit le Fils, ni que le Saint-Esprit, qui est le don de Dieu, soit le Père ou le Fils. Quand donc on demande ce que c’est que ces trois tria vel tres, nous nous efforçons de trouver une expression particulière ou générale qui les renferme, et nous n’en rencontrons pas, parce que l’excellence infinie de la Divinité est au-dessus de tout langage connu. En effet, quand il s’agit de Dieu, la pensée approche plus de la réalité que le langage, et la réalité est bien au-dessus de la pensée. Quand nous disons que Jacob n’est pas Abraham, et qu’Isaac n’est ni Abraham ni Jacob, nous reconnaissons qu’Abraham Isaac et Jacob sont trois êtres distincts. Et si on nous demande ce que c’est que ces trois, nous répondons que ce sont trois hommes, si nous voulons leur donner un nom spécial au pluriel ; que ce sont trois êtres vivants, si nous voulons leur donner un nom général ; car l’homme, selon la définition des anciens, est un être vivant doué de raison et sujet à la mort ; ou,, si nous voulons employer le langage de nos Ecritures, nous dirons que ce sont trois âmes, en donnant à l’homme entier, composé d’un corps et d’une âme, le nom de l’âme, sa meilleure partie. C’est ainsi qu’on lit que Jacob descendit en Égypte avec soixante-quinze âmes, c’est-à-dire soixante-quinze personnes (Gen., XLVI ; Deut., X, 22 ). De même, quand nous disons : Ton cheval n’est pas le mien, et celui d’un tiers n’est ni le mien ni le tien, nous reconnaissons que ce sont trois êtres : et si on nous demande ce que c’est que ces trois êtres, nous répondrons, par le nom spécial, que ce sont trois chevaux, ou, par le nom général, que ce sont trois animaux. Et encore : quand nous disons qu’un bœuf n’est pas un cheval, et qu’un chien n’est ni un bœuf ni un cheval, nous parlons de trois choses ; et si on nous demande ce que c’est que ces trois choses, nous ne répondons plus, par le nom spécial, que ce sont trois chevaux, ou trois boeufs, ou trois chiens ; mais, par le nom général, que ce sont trois animaux, ou, par une expression plus étendue encore, que ce sont trois substances, ou trois créatures, ou trois natures. Or, tout ce qui peut s’énoncer au pluriel sous un seul mot spécial, peut aussi s’exprimer sous un seul mot général ; mais tout ce qui peut s’exprimer sous un seul mot général, ne peut pas se désigner sous un seul mot spécial. En effet, ce qui s’appelle, du nom spécial, trois chevaux, peut aussi s’appeler trois animaux ; mais le cheval, le bœuf et le chien ne peuvent se désigner que par un nom général, animaux, substances, ou tout autre de ce genre ; l’on ne peut dire, par le mot spécial, que ce sont trois chevaux, trois bœufs