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une substance, on ne pourrait le nommer maître relativement ; si le cheval n’était pas une essence, on ne pourrait lui donner la qualification relative d’animal de somme ; et si la pièce de monnaie n’était pas une substance, on ne pourrait l’appeler relativement arrhes. Si donc le Père n’est pas quelque chose en lui-même, il est absolument impossible de lui attribuer un rapport. Il n’en est pas ici comme d’un objet coloré, auquel la couleur se rapporte, cette couleur n’existant point par elle-même, mais appartenant toujours à l’objet coloré, tandis que l’objet lui-même, bien qu’on ne l’appelle coloré que par rapport à sa couleur, est cependant corps en lui-même. Il ne faut donc pas s’imaginer que le Père n’est point dans un sens absolu, mais simplement par rapport à son Fils ; tandis que ce même Fils aurait tout à la fois une existence propre et une existence relative à son Père : étant appelé par lui-même grandeur vraie et vertu puissante, et de plus grandeur et vertu du Père grand-et puissant, par laquelle le Père est grand et puissant. Non, il n’en est pas ainsi : mais l’un et l’autre sont substance, et l’un et l’autre sont la même substance.

Or, comme il est absurde de dire que la blancheur n’est pas blanche, de même il est absurde de dire que la sagesse n’est pas sage ; et comme la blancheur est dite blanche par elle-même, ainsi la sagesse est dite sage par elle-même. Mais la blancheur du corps n’est pas une essence, puisque c’est le corps lui-même qui est essence, et la blancheur sa qualité : qualité qui le fait nommer corps blanc, bien que pour lui exister et être blanc ne soient pas la même chose. Car là, autre chose est la forme, autre chose la couleur ; et ni l’une ni l’autre n’existent par elles-mêmes, mais seulement dans un corps quelconque, lequel corps n’est ni forme, ni couleur, mais seulement formé et coloré. La vraie sagesse est sage et elle est sage par elle-même. Et comme toute âme devient sage par participation à la sagesse, si cette âme redevient insensée, la sagesse n’en subsiste pas moins en elle-même : elle ne change pas, parce que l’âme a changé en passant à la folie. Mais il n’en est pas de même de celui qui devient sage par elles comme le corps devient blanc par la blancheur. En effet, quand ce corps prend une autre couleur, la blancheur ne subsiste plus, elle a tout à fait cessé d’être. Que si le Père qui a engendré la sagesse est sage par elle, et que, pour lui, être ne soit pas être sage, dès lors son Fils est sa qualité et non plus son Fils ; la simplicité a cessé d’être parfaite. Mais loin de nous cette pensée ! car là l’essence est vraiment et souverainement simple, et l’existence et la sagesse y sont une même chose. Or, si être et être sage y sont une même chose, le Père n’est donc pas sage par la sagesse qu’il a engendrée ; autrement il ne l’engendrerait pas, mais ce serait elle qui l’engendrerait lui-même. En effet, qu’entendons-nous quand nous disons que être et être sage sont pour lui la même chose, sinon qu’il existe par ce qui le fait sage ? Donc, la raison pour laquelle il est sage, est aussi la raison pour laquelle il existe ; et, par conséquent, si la sagesse qu’il a engendrée est la raison pour laquelle il est sage, elle est aussi la raison pour laquelle il existe : ce qui ne peut avoir lieu que si elle l’engendre ou le crée. Or, personne n’a jamais dit que la sagesse ait engendré ou créé le Père en aucune façon. Ne serait-ce pas là la plus grande des folies ? Donc, le Père lui-même est aussi sagesse ; et le Fils est appelé sagesse du Père, comme il est appelé lumière du Père ; c’est-à-dire que, comme il est lumière de lumière et que les deux ne sont qu’une même lumière, ainsi doit-on entendre qu’il est sagesse de sagesse et que tous les deux sont une même sagesse, et, par conséquent, une seule essence, puisque là, être et être sage c’est la même chose. En effet, s’il est de la sagesse d’être sage, de la puissance de pouvoir, de l’éternité d’être éternelle, de la justice d’être juste, de la grandeur d’être grande, il est de l’essence d’exister. Et comme, dans cette simplicité, la sagesse n’est pas autre chose que l’être, la sagesse n’est pas non plus autre chose que l’essence.


CHAPITRE II. LE PÈRE ET LE FILS SONT ENSEMBLE UNE SEULE SAGESSE, COMME UNE SEULE ESSENCE, BIEN QU’ILS NE SOIENT PAS ENSEMBLE UN SEUL VERBE.


3. Le Père et le Fils sont donc ensemble une seule essence, une seule grandeur, une seule vérité, une seule sagesse ; mais le Père et le Fils ne sont pas ensemble un seul Verbe, parce qu’ils ne sont pas tous les deux un seul Fils. En effet, comme le Fils est Fils relativement au Père, et non relativement à