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s’éloigne de l’âme, elle meurt, et lorsqu’ elle-même s’éloigne du corps, il meurt. Dans le premier cas, l’âme devient insensée ; et dans le second, le corps devient cadavre. Mais l’âme ressuscite à la grâce par la pénitence, et elle reprend dans un corps encore soumis à la mortalité, une vie qui commence par la foi, parce qu’elle croit en celui qui justifie l’impie, et qui s’augmente et se fortifie chaque jour par la pratique des vertus et le renouvellement de plus en plus parfait de l’homme intérieur. Quant à l’homme extérieur, c’est-à-dire quant au corps, plus son existence se prolonge, et plus il se corrompt par l’âge, les maladies et les diverses épreuves de la vie, jusqu’à ce qu’il arrive à cette dernière que nous appelons la mort. Mais sa résurrection est différée jusqu’au dernier jour, parce qu’alors seulement l’œuvre de notre justification sera pleinement consommée. Car « nous serons semblables à Dieu, parce que nous le verrons tel qu’il est (Jean, III, 2 ) ». Aujourd’hui au contraire, tandis que le corps qui se corrompt, appesantit l’âme, et que sur la terre notre vie est une tentation continuelle, nul homme vivant ne peut obtenir devant le Seigneur cette plénitude de justice qui nous rendra égaux aux anges, et qui sera comme l’apogée de notre gloire. Au reste, il serait ici bien inutile de prouver longuement que nous devons distinguer la mort de l’âme de la mort du corps. Car le Sauveur lui-même a nettement établi cette distinction dans cette maxime évangélique : « Laissez les morts ensevelir leurs morts (Matt., VIII, 22 ) ». Un cadavre doit être enseveli ; qui ne le comprend ? c’est pourquoi en parlant de ceux qui s’occupaient de ce triste ministère, Jésus-Christ s’est proposé de nous désigner ces hommes dont l’âme est morte par le péché, et que l’Apôtre veut ressusciter à la grâce, quand il leur dit : « Levez-vous, vous qui dormez : sortez d’entre les morts, et Jésus-Christ vous éclairera (Eph. V, 14 ) ». Dans un autre passage, le même Apôtre signale encore avec douleur ce même genre de mort, lorsqu’il dit de la veuve frivole et mondaine que « vivant dans les délices, elle est morte, quoiqu’elle paraisse vivante ( I Tim., V, 6 ) ». Ainsi on dit de l’âme qui a perdu la grâce, que revenant à la justice qui agit par la foi, elle ressuscite et reprend une nouvelle vie. Le corps, au contraire, ne meurt réellement que par sa séparation d’avec l’âme ; mais en tant qu’il coopère aux œuvres de la chair et du sang, l’Apôtre dit dans son épître aux Romains qu’il est mort. Voici ses paroles : « Si Jésus-Christ est en vous, quoique le corps soit mort à cause du péché, l’esprit est vivant à cause de la justice ». Or, cette vie n’est autre que la vie de la foi, puisque, selon le même Apôtre, « le juste vit de la foi (Rom., I, 17 ) ». Ensuite il continue ainsi : « Mais si l’esprit de celui qui a ressuscité Jésus, habite en vous, celui qui a ressuscité Jésus-Christ rendra aussi la vie à vos corps mortels, à cause de son esprit qui habite en vous (Rom., VIII, 10, 11 ) ». 6. C’est donc de cette double mort que le Sauveur Jésus nous a rachetés en mourant une seule fois. Aussi nous a-t-il laissé dans sa propre mort le mystère et l’exemple de notre double résurrection. Et en effet, comme il était le Juste par excellence, il n’a pu ni mourir à la grâce, ni avoir besoin de renouveler en lui-même l’homme intérieur, ni être obligé de revenir par la pénitence à la vie de la justice. Mais parce qu’il avait pris une chair passible et mortelle, il est mort, et est ressuscité en tant qu’homme ; et il nous offre ainsi en sa personne le mystère de notre résurrection spirituelle et l’exemple de notre résurrection corporelle. C’est à la première, qui suppose la mort de l’âme, que se rapportent ces paroles du Psalmiste, paroles que Jésus-Christ a prononcées sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’avez-vous abandonné ? (Ps., XXI, 1 ; Matt., XXVII, 46 ) »De son côté, l’Apôtre semble commenter ces mêmes paroles, quand il nous dit « que notre vieil homme a été crucifié avec Jésus-Christ, afin que le corps du péché soit détruit, et que désormais nous ne soyons plus esclaves du péché ». Et en effet, le pécheur est crucifié en son âme par la douleur de la contrition, et il l’est encore en son corps par les rigueurs d’une mortification salutaire. Mais en laissant le pécheur sous cette double pression, Dieu lui facilite les moyens de faire mourir en lui le péché. Voilà donc la croix où expire le corps du péché, afin que nous « n’abandonnions plus nos membres au péché « comme des instruments d’iniquité ( Rom., VI, 6, 13 ) ». D’un autre côté, s’il est vrai que l’homme intérieur se renouvelle en nous de jour en jour, on ne saurait nier que d’abord il n’ait été